Perfluores

Ions perchlorate : travaux et recommandations de l’Anses

À l’occasion d’une campagne nationale de mesures réalisée en 2011 par le Laboratoire d’hydrologie de l’Anses,des ions perchlorate ont été détectés dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) dans plusieurs régions françaises. Ces ions inhibent l’étape d’incorporation de l’iode dans la thyroïde, l’une des premières étapes de la synthèse des hormones thyroïdiennes. A la demande du ministère chargé de la santé, l’Anses a mené une évaluation du risque sanitaire relatif à la présence des ions perchlorate dans l’EDCH et les laits infantiles utilisés pour l’alimentation des nourrissons de 0 à 6 mois, qui représentent la population la plus sensible. Au regard des niveaux d’exposition calculés, l’Anses conclut que le risque de dépassement de la valeur toxicologique de référence, qu’elle a précédemment établie en 2011, ne peut être exclu pour certains nourrissons. En conséquence, l’Anses recommande de diminuer les concentrations en ions perchlorate dans les laits infantiles et, dans les cas où l’eau du robinet présenterait une concentration en ions perchlorate supérieure à 4 µg/L,recommande aux autorités d’informer la population, en conseillant de limiter sa consommation par les enfants âgés de moins de 6 mois.

La présence d’ions perchlorate dans les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) a été signalée en 2011 dans les régions Aquitaine et Midi Pyrénées dans des zones de production du perchlorate d’ammonium à des fins civiles (aéronautique) et militaires (objets pyrotechniques), écartant, dans un contexte local, d’autres éventuelles sources de contamination (origine naturelle, salpêtres chiliens, impuretés dans des solutions industrielles d’hypochlorites utilisées pour la désinfection des eaux). Le perchlorate d’ammonium est en effet utilisé dans de nombreuses applications industrielles, en particulier dans les domaines militaire et aérospatial.

Chez l’Homme, les ions perchlorate inhibent l’étape d’incorporation de l’iode dans la thyroïde interférant ainsi sur la synthèse des hormones thyroïdiennes. Un avis relatif à l’évaluation des risques sanitaires liés à la présence d’ions perchlorate dans les EDCH a été publié par l’Anses en 2011.

Dans cet avis, l’Anses propose une valeur toxicologique de référence (VTR 0,7 µg/kg pc/j) et une valeur guide dans l’eau de boisson (15 µg/L). Cette VTR, basée sur un effet biologique précoce, a été proposée pour prendre en compte les populations les plus sensibles (notamment les femmes enceintes, les nouveau-nés et les enfants de moins de 6 mois). A partir de cette valeur, la Direction générale de la santé (DGS) a fixé deux valeurs guides de gestion : 15 µg/L pour les adultes et 4 µg/L pour les enfants de moins de 6 mois.

Élaboration d’une cartographie nationale de la contamination en ions perchlorate des ressources en eaux et d’une étude sur le lait

A la suite de cet avis de 2011, le Laboratoire d’hydrologie de Nancy (LHN) de l’Anses a réalisé une campagne de prélèvements et d’analyses qui a permis d’élaborer une cartographie nationale de la contamination en ions perchlorate des ressources en eaux et de l’EDCHreprésentant 25 % de l’eau produite en France. Des analyses ont également porté sur des échantillons d’eaux embouteillées commercialisées en France.

Par ailleurs, les enfants de moins de 6 mois constituant une population sensible aux effets des ions perchlorate, l’Anses a réalisé, en collaboration avec la DGCCRF, un plan d’échantillonnage des laits infantiles commercialisés en France dans lesquels les concentrations en ions perchlorate ont été mesurées.

L’ensemble de ces données sur les EDCH et les laits infantiles a permis à l’Agence de calculer les expositions aux ions perchlorate des enfants de moins de 6 mois et d’évaluer le risque sanitaire au regard de la VTR définie par l’Agence en juillet 2011.

Résultats

La campagne de prélèvements et d’analyses du LHN a montré des teneurs en perchlorate inférieures à 0,5 µg/L dans les trois quarts des échantillons analysés (703 échantillons analysés au total). L’ion perchlorate a été mis en évidence particulièrement dans des eaux souterraines, en particulier dans le Nord-Pas-de-Calais, où l’origine de la contamination a été recherchée. L’hypothèse d’un lien entre la présence du perchlorate et la Première Guerre mondiale est retenue, sans cependant pouvoir écarter une contribution de certaines activités industrielles dans cette région.

Les situations de dépassement de la valeur de gestion de 4 µg/L concernent environ 2 % des unités de traitement et de production et sont situées principalement dans la région Nord-Pas-de-Calais. Lors de cette campagne nationale, aucune unité de traitement et de production d’eau ne montre de dépassement de la valeur de gestion de 15 µg/L, applicable à la population adulte.

Les résultats du plan de surveillance mis en œuvre en 2012 pour mesurer les teneurs en ions perchlorate dans les laits infantiles disponibles sur le marché français mettent en évidence, dans les laits 1er âge et 2e âge reconstitués avec une eau sans perchlorate, destinés aux enfants de moins de 6 mois, des teneurs moyennes de respectivement 1,8 µg/L et 2,8 µg/L et des teneurs maximales de respectivement 8,7 µg/L et 10,2 µg/L.

La reconstitution du lait pour les biberons peut conduire à un dépassement de la VTR chez 5% des enfants de moins de 6 mois quand l’eau présente une teneur en ions perchlorate supérieure à 2 µg/L.

Recommandations de l’Anses

Au vu des résultats obtenus, l’Agence recommande :

  • aux industriels, de diminuer la présence d’ions perchlorate dans les laits infantiles commercialisés en France ;
  • compte tenu du manque d’informations sur les origines des contaminations aux ions perchlorate dans les laits infantiles, d’acquérir des éléments d’information concernant ces sources de contamination ;
  • de poursuivre les investigations relatives à la recherche des origines de la contamination des eaux ;
  • d’informer la population desservie par une eau destinée à la consommation humaine présentant une teneur en ions perchlorate supérieure à 4 µg/L, en conseillant de limiter sa consommation chez les enfants âgés de moins de 6 mois.

Enfin, les apports nutritionnels en iode sont un paramètre déterminant dans l’évaluation de l’impact sanitaire des ions perchlorate chez l’Homme. En effet, le manque d’iode augmente la probabilité d’action des ions perchlorate au niveau de la thyroïde. Aussi, l’Agence recommande de recueillir des données actualisées sur les apports en iode chez les femmes enceintes et allaitantes ainsi que chez les enfants âgés de moins de trois ans.

D’autres travaux en cours et à venir

Des mesures de concentration des ions perchlorate dans les fruits et légumes sont en cours de réalisation compte tenu du fait qu’ils peuvent être une source d’exposition à ces ions. Celles-ci pourraient conduire à la réalisation d’évaluations des expositions alimentaires chez les enfants et les adultes.

Par ailleurs, l’InVS réalise des études épidémiologiques dans le Nord-Pas-de-Calais afin de rechercher d’éventuelles associations entre les teneurs en ions perchlorate dans les eaux et les niveaux de thyréostimuline hypophysaire (TSH) mesurés chez les nouveau-nés dans le cadre du dépistage systématique de l’hypothyroïdie congénitale.