Deux vaches dans un pré

L’Anses met en évidence une relation entre l’exposition des sangliers à Mycobacterium bovis et la distribution des foyers de tuberculose dans les élevages bovins

Une collaboration entre deux laboratoires de l’Anses, à Nancy et à Maisons-Alfort, a permis de mettre en évidence une relation entre des sangliers exposés à la bactérie responsable de la tuberculose bovine et des foyers de la maladie recensés dans des élevages bovins. Suite à la publication de ce résultat dans la revue Plos One, l’Anses fait le point sur le travail réalisé.

Le Laboratoire de santé animale de l’Anses à Maisons-Alfort, en tant que laboratoire national de référence pour la tuberculose bovine, a notamment pour mission de développer et de caractériser les méthodes d’analyse permettant la surveillance de cette maladie dans différentes espèces animales, et de transférer ces méthodes au réseau de laboratoires agréés qu’il anime sur le territoire français. Le Laboratoire de la rage et de la faune sauvage à Nancy a quant à lui pour mission notamment la surveillance et l’étude du rôle des animaux sauvages dans la circulation des maladies transmissibles à l’Homme ou aux animaux domestiques. La collaboration entre ces deux laboratoires a ici porté sur l’étude de l’exposition des sangliers à la bactérie responsable de la tuberculose bovine, Mycobacterium bovis, dans un contexte de persistance et d’incidence régulière de foyers en élevage bovin.

Une bactérie qui infecte un grand nombre d’espèces, domestiques et sauvages

La France a été déclarée officiellement indemne de tuberculose bovine par l’Union européenne en décembre 2000. Jusqu’à cette date, la bactérie Mycobacterium bovis, responsable de la maladie et capable d’infecter un grand nombre d’espèces animales, n’avait jamais été isolée chez un animal sauvage en liberté. Mais, depuis 2001, l'infection a été identifiée chez des ongulés sauvages dans plusieurs régions comme la Normandie (2001), la Corse et la Bourgogne (2003), ou encore dans les Pyrénées-Atlantiques (2005), régions où plusieurs foyers sont encore détectés chaque année dans les cheptels bovins.

En 2001, les premiers cas de tuberculose bovine chez des cerfs (Cervus elaphus) et des sangliers (Sus scrofa) en forêt de Brotonne (Normandie) ont en effet été détectés. En 2006, la prévalence de la tuberculose atteignait dans cette forêt 24 % chez le cerf et 42 % chez le sanglier, ces deux espèces sauvages étant connues comme capables de disséminer l’agent pathogène voire d’en constituer des réservoirs.

Ces découvertes ont amené les scientifiques à se demander si la faune sauvage pourrait être à l’origine de cas de tuberculose dans des élevages de bovins domestiques et, parallèlement, à orienter les recherches sur les outils de diagnostic de la bactérie dans ces espèces sauvages.

Une étude de l’Anses conduite grâce à une nouvelle méthode de suivi

En 2008, une méthode d’analyse sérologique a été mise au point en Espagne, permettant de détecter l’exposition des sangliers aux bactéries du complexe tuberculosis auquel appartient M. bovis. Cette méthode se base sur la relation antigène – anticorps : elle permet de détecter si des anticorps contre Mycobacterium bovis sont produits par les sangliers, signifiant la possible présence de l’agent pathogène chez ces sangliers et, dans tous les cas, la circulation dans l’environnement de la bactérie. Ainsi, en utilisant cette méthode et une collection de sérums de sangliers collectés entre 2000 et 2010, les laboratoires de l’Anses et leurs partenaires nationaux (ONCFS[1] et Ministère en charge de l’Agriculture) et espagnols (IREC[2]) souhaitaient estimer rétrospectivement l’exposition des sangliers à la bactérieen France, puis évaluer si cette exposition était corrélée à un autre indicateur de la présence de M. bovis : les foyers de tuberculose détectés au sein d’élevages de bovins.

L’analyse de 2080 sérums de sangliers, provenant de 58 départements français, a ainsi montré que 30 sangliers avaient été exposés à Mycobacterium bovis, soit 2,2 % de l’échantillon analysé. Ces sangliers étaient originaires de 7 des départements étudiés, tous connus comme présentant des foyers de tuberculose bovine en élevage sur la période d’étude sauf un.

Une relation entre l’exposition des sangliers à M. bovis et des foyers de tuberculose dans les élevages bovins, mais d’autres recherches à mener

Ces résultats de sérologie associés à des calculs de distance moyenne séparant les sangliers des élevages bovins infectés ont pu mettre en évidence que l’exposition des sangliers à Mycobacterium bovis est significativement corrélée aux foyers de tuberculose bovine observés dans les élevages. L’étude a ainsi montré que la méthode d’analyse sérologique utilisée pourrait être un bon outil de surveillance de l’exposition à la tuberculose bovine des populations de sangliers. D’autres travaux sont désormais nécessaires pour permettre d’affiner l’estimation des caractéristiques de ce test (sensibilité et spécificité) au regard de ceux actuellement utilisés pour le diagnostic de tuberculose bovine chez les sangliers, la culture bactérienne et la détection d’ADN par biologie moléculaire.

D’après les résultats d’autres études, menées par l’ONCFS, l’Anses et l’INRA notamment, la faune sauvage (sangliers, cerfs, blaireaux) pourrait être un réservoir de tuberculose bovine en France, cependant, il n’a pas été démontré aujourd’hui qu'il s'agit du facteur d’émergence de la maladie dans la faune domestique. La poursuite des recherches en collaboration avec les partenaires nationaux (ONCFS, INRA) et internationaux (comme ici espagnols) est là aussi nécessaire.

 

Le travail de l’Anses sur la tuberculose bovine

L’Agence mène depuis plusieurs années des travaux d’évaluation des risques, de recherche et d’appui réglementaire aux pouvoirs publics vis-à-vis de la tuberculose bovine. Depuis 2006, une vingtaine d’avis sur la tuberculose bovine a été rendue par l’Afssa puis l’Anses. En 2011, l’Agence a notamment rendu un rapport d’expertise sur la question du rôle joué par la faune sauvage dans la transmission et le maintien de la maladie. Suite à une saisine du Ministère chargé de l’Agriculture, l'Anses a créé un collectif d’experts de différents organismes dédié au traitement de ces questions.


[1] Office national de la chasse et de la faune sauvage

[2] Institut de recherches cynégétiques