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Résidus de pesticides dans les denrées alimentaires : l’Efsa et l’Anses publient leurs conclusions

Chaque année, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) évalue les risques alimentaires liés aux résidus de pesticides pour la population européenne à partir des résultats d’un programme de surveillance commun à tous les Etats membres. Aujourd’hui, l’Efsa rend public ce rapport annuel reposant sur les données de surveillance de l’année 2011. En parallèle, l’Anses publiait en avril dernier les résultats de l’actualisation des indicateurs de risque alimentaire lié aux résidus de pesticides en France. Le travail mené au niveau national complète et affine celui réalisé au niveau européen grâce à des données spécifiques à la population française. Sur la base de ces travaux, l’agence française formule des recommandations pour une meilleure prise en compte du risque : réduire le délai entre la collecte des données et leur prise en compte dans les travaux d’évaluation et renforcer le contrôle des denrées importées pour améliorer leur conformité vis-à-vis des limites maximales de résidus (LMR).

Chaque année et dans le cadre d’un programme de surveillance prévu par la réglementation européenne, qui fixe un cadre commun dans les différents Etats membres, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) publie un rapport sur les résidus de pesticides dans les denrées alimentaires. Aujourd’hui, elle publie les résultats obtenus à partir des données de surveillance de 2011 à l’échelle des Etats membres.

L’Observatoire des résidus de pesticides (ORP) de l’Anses a, quant à lui, été chargé d’évaluer l’exposition alimentaire et les risques liés aux résidus de pesticides au niveau national, et en particulier d’actualiser les indicateurs de risque alimentaire pour la population française. A partir de ces travaux, l’Agence propose notamment une hiérarchisation des résidus de pesticides et des denrées à surveiller, en affectant un niveau de priorité en termes d’évaluation et/ou de gestion des risques pour chaque substance. Cette hiérarchisation permet tout particulièrement de guider les gestionnaires du risque (ministères en charge de la santé, de l’alimentation et de la consommation) pour identifier les mesures à mettre en œuvre en priorité et pour orienter les plans de surveillance et de contrôle.

La situation en France

Pour l’année 2011, le programme de surveillance déployé dans tous les Etats membres prévoyait la surveillance de179 substances actives dans 12 denrées alimentaires. Dans ce cadre, l’Efsa a étudié plus de 12 600 échantillons, dont 1 061 provenant de France. Considérant uniquement les denrées produites en France, le taux de dépassement des limites maximales de résidus (LMR) est de 1,1 %, soit un taux comparable à celui d’autres Etats membres tels que l’Allemagne ou le Royaume-Uni. En revanche, en intégrant les données des denrées importées, le taux de dépassement s’établit pour la France à 3,4% soit supérieur à celui observé au niveau européen (1,9%).

Ces résultats tendent à montrer une situation pour les denrées produites en France comparable à celle des autres Etats membres. En revanche, l’Anses considère que le contrôle des denrées importées sur notre territoire doit être renforcé pour garantir l’importation de denrées conformes aux limites maximales de résidus (LMR).

Les résultats de l’Efsa portent également sur les programmes nationaux de surveillance dont la définition est laissée à l’initiative de chaque Etat membre. A partir des données obtenues par les programmes nationaux, l’Efsa a, pour l’année 2011, pris en compte plus de 79 000 échantillons, dont 4 358 pour la France. Ce travail met en évidence un taux de dépassement des LMR plus faible pour les denrées produites en Europe par rapport à celles produites dans les pays tiers. Toutefois, le taux de non conformité observé en France est plus élevé que dans d’autres Etats membres comme l’Allemagne ou l’Italie.

Risques aigu et chronique en France : le travail de l’Anses affine les résultats obtenus au niveau européen

L’Efsa évalue les risques alimentaires aigu et chronique pour les denrées et les résidus de pesticides inscrits au programme de surveillance 2011 commun à tous les Etats membres (programme européen coordonné), soit entre 12 et 28 denrées alimentaires selon le type d’évaluation (aigu ou chronique) et 179 résidus de pesticides.

En France, l’évaluation conduite par l’ORP sur la base des consommations alimentaires de l’étude Inca 2 et des résultats des programmes nationaux de surveillance 2011 concerne 169 denrées alimentaires et 524 résidus de pesticides, intégrant l’ensemble des résidus de pesticides surveillés en France, y compris dans les eaux destinées à la consommation humaine ainsi que le régime alimentaire complet de la population française.

Cette évaluation nationale permet donc de compléter et de préciser celle conduite par l’Efsa, en prenant en compte l’ensemble du régime alimentaire de la population française (6 à 14 fois plus de denrées selon le type d’évaluation chronique ou aigu), ce qui permet l’intégration des spécificités de la population française, tant au niveau de sa consommation que de la contamination des denrées.

Ainsi, pour le risque chronique, l’Anses privilégie une approche protectrice en considérant les expositions individuelles y compris celles des individus les plus exposés, alors que la méthodologie de l’Efsa prend en compte les expositions moyennes à l’échelle des Etats membres. Cette approche conduit l’Efsa à identifier 2 substances présentant un risque potentiel (dieldrine et heptachlore). Ces substances ne sont pas retenues dans l’avis de l’Anses comme à risque. Cette différence s’explique par un niveau de contamination moyen utilisé par l’Efsa supérieur à celui de l’avis de l’Anses, car il intègre l’ensemble des niveaux de contamination mesurés en Europe. Dans l’avis de l’Anses, il est toutefois recommandé de poursuivre la surveillance de ces substances en l’étendant aux denrées les plus contributrices.

En revanche, compte tenu de l’approche utilisée dans l’avis de l’Anses, 7 résidus de pesticides sont identifiés en France comme présentant un risque : diméthoate, lindane, carbofuran, imazalil, dithiocarbamates, fipronil et nicotine.

Pour le risque aigu, l’Efsa tient compte des niveaux les plus élevés de contamination dans toute l’Europe pour le calcul des expositions, ce qui n’est pas représentatif de la situation des consommateurs français.

Ainsi, l’Efsa identifie, au niveau européen, 31 pesticides avec un risque aigu pour au moins une denrée. Parmi ces 31 pesticides, 13 (1) sont également identifiés dans l’avis de l’Anses. En complément, 2 substances non inscrites au programme de surveillance coordonné européen présentent un risque au niveau français (thiabendazole et nicotine). Enfin, en tenant compte de l’ensemble des analyses conduites en France (y compris programme national de surveillance), 2 substances non identifiées comme à risque au niveau européen présentent un risque au niveau français (bifenthrine (2)et méthidation). Au total, 17 substances sont identifiées comme à risque en France par l’Anses.  

Conclusions et recommandations de l’Anses

A partir de l’ensemble des informations obtenues, l’Anses identifie :

  • les substances à risque aigu ou chronique et pour lesquelles des actions de gestion et/ou de surveillance doivent être mises en œuvre ;
  • les substances pour lesquelles des incertitudes demeurent et nécessitant un renforcement de la pression de surveillance ;
  • les substances actuellement non surveillées et pour lesquelles un risque théorique est possible, nécessitant d’être intégrées aux programmes de surveillance à venir.

Pour garantir l’efficacité de ces travaux, l’Anses juge essentiel dans son avis de réduire le délai entre la collecte des données et leur transmission pour les travaux d’évaluation des risques (2 ans actuellement en France comme au niveau européen). Au-delà, elle pointe aussi un potentiel de renforcement des contrôles relatifs à certaines denrées et substances d’intérêt.

Il serait également utile que les évaluateurs du risque disposent d’informations analytiques complémentaires afin de réduire les incertitudes liées aux données censurées, notamment en identifiant les traces (pesticides détectés mais non quantifiés).

Par ailleurs, de même que l’Efsa, l’Anses a engagé des travaux exploratoires dans le domaine de l’évaluation des expositions simultanées à plusieurs pesticides (programme ANR Périclès, participation au projet européen Acropolis), qui devraient être intégrés progressivement sur la base de l’avancement des travaux européens conduits dans ce domaine.


(1) Bitertanol, carbaryl, carbendazime, diméthoate, dithiocarbamates, endosulfan, folpel, imazalil, méthamidophos, méthomyl, oxamyl, prochloraze, thiaclopride).

(2) Substance identifiée comme à risque par l’Efsa sur la base des données de surveillance de 2010.