Eau Développement durable

Réutiliser les eaux non potables : quelles solutions possibles ? quels risques sanitaires ?

Face à la raréfaction de la ressource en eau, les pratiques de réutilisation d’eaux usées ou de pluie font l’objet d’un intérêt croissant pour l’irrigation de cultures ou des espaces verts, l’arrosage, le lavage des sols et des voitures ou encore l’alimentation des chasses d’eau. Toutefois, ces eaux peuvent contenir divers micro-organismes pathogènes et des substances chimiques organiques et minérales parfois toxiques. Explications.

Pourquoi réutiliser les eaux non potables ?

Les pressions sur les ressources naturelles en eau, liées au développement aussi bien urbain, industriel, qu’agricole et au réchauffement climatique, sont de plus en plus fortes. Ces pressions entraînent à la fois la raréfaction des ressources en eau, une détérioration de leur qualité, ainsi que la difficulté à satisfaire les besoins en eau de bonne qualité et en quantité suffisante pour l’ensemble des utilisations attendues.

Dans ce contexte, les pratiques de réutilisation d’eaux de différentes natures, en remplacement de l’utilisation de l’eau potable, se développent. La réutilisation de ces eaux est en effet un moyen de limiter les prélèvements dans les ressources naturelles en eau.

Dans son plan eau, le Gouvernement a récemment confirmé l’intérêt de réutiliser ces eaux et a fixé un objectif de développer 1000 projets d’ici à 2027.

La réutilisation de l’eau : une évaluation bénéfice/risque

La réutilisation des eaux non potables, en particulier les eaux usées, consiste à stocker et à réutiliser l’eau plutôt que de la rejeter dans le milieu naturel. Elle limite ainsi les prélèvements dans les ressources naturelles.

Toutefois, lorsque certains territoires sont en état de sécheresse, les rejets des eaux usées, , peuvent profiter aux cours d’eaux de surface. Il convient donc d’analyser chaque projet dans sa globalité et de peser le bénéfice/risque de réutiliser ces eaux plutôt que de les rejeter dans le milieu naturel.

Pour quels usages réutiliser ces eaux ?

Les eaux non potables peuvent potentiellement être utilisées pour de multiples usages :

  • agricoles : irrigation directe ou alimentation de canaux d’irrigation ;
  • industriels : production d’énergie, alimentation des systèmes de refroidissement des tours aéro-réfrigérantes, lavage de voitures en station, fabrication de neige artificielle, etc. ;
  • urbains : arrosage des espaces verts, lavage des voiries, réserve incendie, nettoyage des voiries, chauffage urbain, etc. ;
  • usages domestiques : alimentation des chasses d’eaux des toilettes, lavage du linge, nettoyage des sols et des surfaces, arrosage du potager ;
  • récréatifs : irrigation de golfs, alimentations d’étangs, de bassins ornementaux (fontaine, mur, etc.), ou d’étendues d’eaux de surface utilisées pour des sports (natation, canoé, voile, planche à voiles, pêche), etc.
  • environnementaux : recharge artificielle de nappes d’eau souterraine, alimentations de bassin d’agréments, irrigation de forêts ou de zones humides, etc.

Dans certains pays ayant un fort stress hydrique, les eaux usées peuvent être réutilisées pour produire de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH).

Les eaux usées pouvant contenir divers micro-organismes pathogènes et des substances chimiques organiques et minérales parfois toxiques, leur réutilisation en France est encadrée réglementairement.

 

Quel est le rôle de l’Anses ?

Dans le domaine de la réutilisation des eaux, l’Agence réalise des expertises pour évaluer les risques pour la santé et l’environnement :

  • en amont de l’élaboration du cadre réglementaire ;
  • en appui aux autorités compétentes sur des projets de texte réglementaire ;
  • sur des projets expérimentaux.

Cette évaluation des risques tient compte à la fois des dangers inhérents à chaque type d’eau dont la réutilisation est envisagée, aux moyens de traitement disponibles compte-tenu des usages prévus et aux dispositions de contrôle et de surveillance nécessaires pour en assurer la maîtrise.

 

Quelles sont les solutions de réutilisation des eaux actuellement autorisées en France ?

En France, à ce jour, le recours autorisé aux eaux non potables concerne essentiellement :

  • la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) provenant des stations de traitement des eaux usées urbaines pour l’irrigation agricole et l’arrosage des espaces verts ;
  • les eaux usées industrielles pour le lavage des voiries, le nettoyage des canalisations des réseaux, l’alimentation des bouches à incendie, etc. ;
  • les eaux de pluie récupérées en aval de toitures inaccessibles (pour limiter les contaminations) pour laver le linge.

Par ailleurs, lorsque les conditions sanitaires sont respectées, les Préfets ont la possibilité d’autoriser l’utilisation des eaux grises traitées pour certains usages domestiques : l’alimentation de la chasse d’eau, l’arrosage des espaces verts ou le lavage des surfaces extérieures sans génération d’aérosols (sans utilisation de nettoyeur à haute pression).

La réutilisation des eaux usées urbaines traitées pour l'arrosage des espaces verts ou l'irrigation des cultures

En France, la réutilisation d'eaux usées urbaines traitées est vue comme une alternative intéressante pour l'irrigation de cultures ou l'arrosage d'espaces verts. Dans certaines situations, cette pratique pourrait en effet permettre de prévenir la pénurie d’eau et de préserver la ressource en eau, notamment en périodes de sécheresse prolongée ou dans des zones de faible disponibilité des ressources en eau.

Cependant, les eaux usées urbaines, traitées par une station d'épuration, contiennent des micro-organismes pathogènes et des substances chimiques organiques et minérales potentiellement toxiques. Les conditions de réutilisation d’eaux usées traitées pour les usages d'irrigation de cultures ou d'arrosage d'espaces verts sont soumises depuis 2010 à encadrement réglementaire afin de prévenir les risques sanitaires liés à cette pratique.

Les travaux de l’Anses de 2008 à 2012 ont contribué à l’établissement de la réglementation française encadrant les conditions de réutilisation d’eaux usées traitées pour ces usages. L’Anses souligne en particulier que les résidents, les passants ou les professionnels employés aux tâches d'arrosage peuvent être exposés par aspersion lors des opérations de réutilisations d'eaux usées traités. En conséquence, l'Agence a proposé un ensemble de recommandations en vue de compléter les dispositions réglementaires, en particulier, des prescriptions techniques spécifiques à l’irrigation par aspersion d’eaux usées traitées (vitesse de vent maximale, distance de sécurité) et des recommandations visant à la limiter l’exposition des résidents, passants et professionnels via l’information du public ou l’interdiction de l’accès du site pendant et après l’irrigation.

Depuis 2020, la réutilisation des eaux usées urbaines traitées pour l’irrigation agricole est encadrée par le règlement européen (UE) 2020/741 du 25 mai 2020 qui fixe à l’échelle communautaire des exigences minimales relatives à des qualités d’eau en fonction des usages. La réglementation française nécessitait donc d’être mise en conformité avec les dispositions de ce règlement, et l’Anses a publié un avis sur ce projet d’arrêté. 

Pour en savoir plus :

La réutilisation des eaux usées industrielles pour d’autres usages

Issue de la loi AGEC relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, le décret du 10 mars 2020 autorise de nouveaux usages des eaux usées traitées : le lavage de voirie, le nettoyage des canalisations des réseaux, mais aussi la recharge de nappe. Cet élargissement des usages possibles permet de faciliter l’émergence de nouveaux projets multi-usages en les rendant économiquement plus viables.

Les nouveaux projets de réutilisation des eaux usées traitées seront autorisés pour une durée limitée. Ils vont permettre de faire progresser les connaissances et données sur ces nouveaux usages. L’objectif reste, à terme, de définir des prescriptions nationales, afin de faciliter ces pratiques et d’augmenter les volumes d’eaux usées traitées utilisées en France.

La réutilisation des eaux grises pour des usages domestiques

Les eaux grises sont des eaux non potables provenant des douches, baignoires, lavabos, lave-linge, parfois éviers de cuisine et lave-vaisselle. La réutilisation d’eaux grises traitées pour un usage domestique suscite un intérêt croissant en France mais aussi des interrogations. En effet, les eaux grises ne sont autorisées que pour certains usages, et par dérogation préfectorale sur la base d’expertises de l’Anses.

En effet, au regard des données disponibles en 2015, l’Agence a estimé qu’une réutilisation des eaux grises dans l’habitat ne peut être envisagée que pour des usages strictement limités, dans des environnements géographiques affectés durablement et de façon répétée par des pénuries d’eau. Sous réserve de la mise en œuvre d’un traitement et de mesures de gestion du risque appropriées, les eaux grises traitées peuvent être adaptées à trois usages en milieu domestique, si elles répondent à des critères de qualité précis :

  • l’alimentation de la chasse d’eau des toilettes ;
  • l’arrosage des espaces verts (excluant potagers et usages agricoles) ;
  • le lavage des surfaces extérieures sans génération d’aérosols (sans utilisation de nettoyeur à haute pression).

Pour en savoir plus :

Pourquoi utiliser de l’eau non potable dans un bâtiment est-il risqué ?

L’utilisation d’eaux non potables dans l’habitat nécessite l’installation d’un réseau distinct du réseau de distribution d’eau destinée à la consommation humaine (EDCH). Or les retours d’expériences montrent que l’utilisation simultanée d’eaux potables et non potables dans le même bâtiment peut induire des risques pour la santé des personnes, en cas de mélange d’eaux, de mésusage, de perte de maîtrise, de négligence ou d’actes malveillants.

L’utilisation d’eau de pluie pour le lavage du linge

Les pratiques de récupération et d’utilisation de l’eau de pluie pour des usages domestiques sont en augmentation depuis plusieurs années. Cela permet à la fois de réaliser des économies d’eau et de limiter les inondations par ruissellement.

Toutefois, lors de leur passage dans l’atmosphère, du ruissellement sur les toitures ou dans le réservoir de stockage, les eaux de pluie peuvent se charger en métaux, matières organiques, micropolluants organiques et en micro-organismes.

L’arrêté du 21 août 2008 précise des conditions d’usage de l’eau de pluie récupérée en aval des toitures inaccessibles, dans les bâtiments et leurs dépendances, ainsi que les conditions d’installation, d’entretien et de surveillance des équipements nécessaires à leurs récupération et utilisations. Cet arrêté autorise l’utilisation de l’eau de pluie :

  • à l’extérieur de l’habitation pour des usages domestiques et l’arrosage des espaces verts
  • à l’intérieur de l’habitation pour l’alimentation des chasses d’eau et le lavage des sols.

A la demande de la direction générale de la santé, l’Agence a mené en 2016 une expertise relative à l’évaluation des risques sanitaires liés à l’utilisation de l’eau de pluie pour le lavage du linge chez les particuliers. Il existe très peu de données disponibles sur cette pratique. Ainsi, l’Agence recommande que l’eau de pluie ne soit pas utilisée pour laver le linge des personnes vulnérables incluant notamment les jeunes enfants, les personnes immunodéprimées, les personnes en hospitalisation à domicile, etc.

Pour en savoir plus :

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Document PDF
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Date de mise en ligne
22/02/2017
Numéro de saisine
2015-SA-0037
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Date de mise en ligne
14/01/2009
Numéro de saisine
EAUX-Ra-EauxUsees
Document PDF
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Date de mise en ligne
01/09/2002
Numéro de saisine
EAUX-Ra-Crypto