Œufs

Évaluation des risques liés à la consommation d’œufs et de produits à base d’œufs contaminés au fipronil [Mise à jour le 21 août 2017]

L’Anses a publié son évaluation des risques pour la santé humaine en cas d’ingestion d’œufs contaminés par le fipronil, substance active insecticide et acaricide utilisée frauduleusement dans des élevages aux Pays-Bas et en Belgique. Au vu des données disponibles sur la toxicité de cette substance et des concentrations de fipronil observées dans les élevages concernés en Belgique et aux Pays-Bas, et en prenant en compte les habitudes de consommation des Français, le risque de survenue d’effets sanitaires apparaît très faible. Concernant les produits transformés à base d’œufs, l’Agence a également estimé une limite à ne pas dépasser pour que l’exposition reste inférieure à la valeur toxicologique de référence aiguë (ARfD) si des produits à base d’œufs contaminés étaient consommés, celle-ci est de 0,23 mg de fipronil par kg d’aliments.

Le 20 juillet dernier, les autorités belges ont informé la Commission européenne que du fipronil  avait été détecté dans des œufs et des viandes de volailles pondeuses dans des élevages des Pays-Bas et de Belgique. La présence de ces résidus de fipronil est liée à une utilisation frauduleuse de cette substance pour traiter les poux rouges des poules. En effet, le fipronil, autorisé en tant qu’antiparasitaire dans les médicaments vétérinaires pour les animaux de compagnie, ne l’est pas pour le traitement des animaux d’élevage dont les produits sont destinés à la consommation.

Dans ce contexte, l’Anses a été saisie le 7 août 2017 par les ministères en charge de l’agriculture, de la santé et de la consommation d’une demande d’appui scientifique et technique relatif aux risques pour la santé humaine en cas d’ingestion d’œufs destinés à la consommation qui auraient été contaminés par le fipronil.

Toxicité du fipronil

Le fipronil a une toxicité modérée. Les effets observés chez l’Homme à la suite de l’exposition aiguë à des préparations contenant du fipronil sont généralement bénins.

Les effets qui pourraient survenir en cas d’ingestion, au vu du mécanisme d’action du fipronil et des données expérimentales, sont des effets neurotoxiques, et notamment des convulsions. Ce type d’effet n’a néanmoins pas été observé dans les cas d’ingestion directe accidentelle de produit à base de fipronil recueillis par les centres antipoison français dans le cadre de la toxicovigilance. Les rares observations de convulsions relevées dans la littérature internationale sont liées à des ingestions de grandes quantités de ce type de produits. Des niveaux de dose de l’ordre de 10 fois la dose de référence aigüe n’ont conduit qu’à des symptômes bénins et réversibles, notamment des troubles digestifs, y compris chez l’enfant.

L’exposition répétée au fipronil n’a pas non plus montré d’effets préoccupants, seulement des signes locaux bénins.

Évaluation du risque lié à la consommation d’œufs contaminés

Sur la base des données recueillies par l’Agence dans le cadre de ses études nationales de consommations alimentaires, l’évaluation du risque a permis d’identifier la quantité maximale d’œufs pouvant être consommée en une seule fois sans s’exposer à un risque aigu. Cette évaluation a été réalisée pour différentes populations et sur la base d’une concentration maximale de fipronil dans les œufs contaminés comparable à celle rapportée à ce jour en Europe (1,2 mg/kg d’œuf). Sur cette base, la quantité maximale d’œufs pouvant être consommés varie de un (pour un enfant de 1 à 3 ans) à dix par jour (pour un adulte).

 Poids corporel moyen (kg)Concentration maximale (mg/kg d’oeuf)Nombre d’oeufs
Adultes701,2≤ 10
Enfants de 11 à 17 ans541,2≤ 8
Enfants de 3 à 10 ans251,2≤ 3
Enfants de 3 ans14.51,2≤ 2
Enfants de 1 à 3 ans12,41,2≤ 1

Nombre d’œufs pouvant être consommés pour que l’exposition reste inférieure à la valeur toxicologique de référence aiguë (ARfD de 0,009 mg/kg pc)

Concernant une évaluation quantitative des risques chroniques, celle-ci n’a pu être réalisée, néanmoins, des limites maximales de résidus (LMR) existent pour les œufs et la viande de volaille. Leur respect permet de prévenir les risques induits par la consommation répétée de la substance.

Cette évaluation porte uniquement sur la consommation d’œufs contaminés, aucune contamination de viande de poulet de chair par le fipronil n’ayant été rapportée à ce jour. Toutefois, l’Agence a investigué cette hypothèse. Des analyses ont en effet été réalisées au niveau européen sur des muscles de poules pondeuses traitées et permettent d’apporter des éléments. La concentration maximale de fipronil observée dans ces échantillons s’élève à 0,175 mg/kg de muscle. Dans ces conditions, et si cette viande était consommée, la valeur toxicologique de référence aiguë ne pourrait être  dépassée que par la consommation par un adulte et en une seule fois, de plusieurs kilogrammes de viande de volaille contaminée (de l’ordre du kilo pour un enfant).

En conclusion, en cas de dépassements des niveaux de consommation maximale d’œufs ou de viande de poulets contaminés identifiés par l’Agence, le risque ne peut être exclu. Cependant, compte tenu des concentrations de fipronil observées à ce jour dans les produits contaminés, et considérant la caractérisation des dangers de cette substance, le risque de survenue d’effets sanitaires apparait très faible.

Concernant les ovoproduits et autres produits transformés à base d'œufs

L’Anses a été également saisie par le Ministère en charge de l’Agriculture le 16 août 2017 afin d’évaluer la concentration maximale en fipronil à ne pas dépasser dans produits transformés à base d'œufs, pour que l'exposition du consommateur reste inférieure à la valeur toxicologique de référence aiguë.

Il a ainsi été possible d’estimer, à partir des données françaises de consommation des aliments susceptibles de contenir des œufs ou ovoproduits, la concentration en fipronil dans ces aliments à ne pas dépasser pour que l’exposition reste inférieure à la valeur toxicologique de référence aiguë (ARfD de 0,009 mg fipronil/kg poids corporel). Cette estimation a été fondée sur un scénario maximaliste, en ce sens qu’il admet que les aliments sont consommés le même jour et sont tous contaminés avec du fipronil.

Selon ce scénario une concentration en fipronil inférieure à 0,28 mg/kg d’aliments n’entrainerait pas une exposition supérieure à l’ARfD pour 97,5% des consommateurs âgés de 3-17 ans. Pour protéger plus de 99% des consommateurs âgés de 3-17 ans, cette concentration doit être inférieure à 0,24 mg/kg d’aliments. Pour protéger plus de 99% des enfants de 1 à 3 ans, la concentration ne doit pas dépasser 0,23 mg de fipronil /kg d’aliments. 

L’Agence recommande donc une limite à ne pas dépasser de 0,23 mg de fipronil par kg d’aliments. 

Quantité d’aliment à base d’œufs contaminés pouvant être consommés pour que l’exposition reste inférieure à la valeur toxicologique de référence aiguë (ARfD) en fonction du poids du consommateur :

Poids corporel en kgConcentration maximale (mg/kg d’aliments*)Quantité d'aliments à ne pas dépasser par jour et en grammes
100,23391
200,23783
300,231 174
400,231 565
500,231 957
600,232 348
700,232 739
800,233 130

* aliments susceptibles de contenir des œufs ou ovoproduits

Les recommandations de l’Agence

L’Anses rappelle en premier lieu que le respect de la limite maximale de résidus vise à protéger les consommateurs des risques pour la santé à court ou long terme, liés à une exposition unique ou répétée. Ainsi les produits dont la concentration en fipronil dépasseraient la LMR ne devraient pas être commercialisés ni maintenus sur le marché.

Si des mesures du niveau de contamination par le fipronil devaient être réalisées dans des produits alimentaires préparés susceptibles de contenir des œufs ou des ovoproduits contaminés, il sera nécessaire de  tenir compte du facteur de dilution des œufs ou ovoproduits dans ces produits alimentaires pour comparer ces résultats à la LMR.

Si des volailles, des œufs ou des ovoproduits contaminés ou susceptibles d’être contaminés doivent être éliminés, il conviendra de s’assurer que le processus d’élimination mis en œuvre garantisse l’absence de toute contamination ultérieure de la chaîne alimentaire.