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L’arrêt des cages suffit-il à garantir le bien-être des animaux ?

Les systèmes de production actuels des animaux de rente sont le fruit de la modernisation de l’élevage qui a eu lieu à la suite de la seconde guerre mondiale dans le but de fournir à l’Europe de grandes quantités de protéines animales à bas coût. Des travaux assez spectaculaires ont alors été menés afin : d’augmenter la productivité des animaux tout en réduisant les coûts de production, d’améliorer la santé animale, la qualité sanitaire des produits et les conditions de travail des éleveurs.

Nos animaux sont-ils élevés dans des systèmes respectant leur bien-être ?

Les systèmes d’élevage mis au point avaient souvent en commun : la diminution des surfaces et l’augmentation des densités, le contrôle de l’environnement : lumière artificielle, pas d’accès à l’extérieur, l’appauvrissement de l’environnement : seulement eau et nourriture et dans certains cas litière et parfois la limitation des contacts avec les congénères : disparition des liens mère-jeune, logement individuel. Les questions de bien-être animal en lien avec ces systèmes d’élevage n’étaient pas à l’ordre du jour, le coût relatif des produits alimentaires dans le budget des ménages étant prépondérant.

Les conditions d’élevage des animaux en systèmes dit intensifs, dans certains cas extrêmes, ne permettaient plus aux animaux de réaliser les comportements spécifiques de leurs espèces : contacts sociaux, activités de confort, de repos, d’exploration, comportement maternel etc. Depuis la fin du siècle dernier, une prise de conscience collective a amené la mise en place de réglementations pour garantir un niveau minimum de bien-être dans les élevages européens et une remise en cause de certains systèmes d’élevage par les citoyens. Toutefois, les règlementations actuelles ne couvrent pas de façon spécifique toutes les espèces et autorisent encore l’utilisation des cages.

Comment est réglementé le bien-être animal en France et en Europe?

En Europe et donc en France, la production des animaux de rente est réglementée par différents textes. La directive 98/58 règlemente le bien-être des animaux de rente de manière générale. Cette directive européenne a été établie il y a près de 25 ans, sur la base des connaissances de l’époque. Elle énonce de grands principes à respecter comme l’absence d’inconfort, l’accès à l’eau et à la nourriture, etc. Elle reste aujourd’hui la base règlementaire pour la réalisation des contrôles officiels pour les espèces qui ne bénéficient pas d’une règlementation spécifique.

Aujourd’hui, seuls les veaux, les porcs, les poules pondeuses et les poulets de chair disposent d’une règlementation spécifique (directive ou règlement) précisant pour leur élevage des obligations de moyens dans la plupart des cas : surface minimale par animal, nombre de point d’eau, éléments d’enrichissement nécessaires etc. Pour les plus récentes, il existe aussi des obligations de résultats. A titre d’exemple, pour pouvoir appliquer des densités d’élevage plus élevées en poulets de chair, il est nécessaire de ne pas dépasser une certaine mortalité et d’avoir des bons résultats concernant le bien-être des sept derniers lots. A ces quatre textes spécifiques s’ajoutent deux textes qui règlementent le transport des animaux et leur mise à mort. Même si ces textes ont l’intérêt d’exister, dans un certain nombre de cas ils sont relativement vagues : absence de souffrance évitable, niveau de certains gaz maintenu pour éviter les impacts sur le bien-être, etc ; et leur application pas toujours facile à contrôler.

Qu'en est-il du recours aux cages en élevage?

On estime que la plupart des productions animales ont dans certains de leurs systèmes de production recours aux cages. La récente initiative citoyenne européenne contre l’usage des cages a réuni plus de 1,4 million de signatures, avec pour conséquence l’arrêt des cages au niveau européen pour la plupart des espèces à partir de 2027.

Ne pas avoir recours aux cages ne garantit pas forcément le bien-être optimal des animaux. Aujourd’hui, il n’existe toujours pas de définition officielle d’une cage, mais les scientifiques s’accordent à penser qu’il s’agit d’un système d’élevage qui entrave fortement la possibilité qu’a un animal de réaliser les comportements spécifiques de son espèce. A la liste précédente, on pourrait alors ajouter les boxes pour les chevaux ou encore les cases à taurillons très largement utilisés en France et partout en Europe.

On pourrait se dire qu’arrêter les « cages » va tout régler, mais il n’est pas possible d’aller si vite en besogne. Arrêter les cages, certes, mais il faut que ce soit pour des systèmes :

  • améliorant concrètement le bien-être des animaux en leur apportant une vie « qui vaut la peine d’être vécue » et en étant compatible avec la réalité économique de la production, sans quoi les animaux ne seront plus produits en France mais importés de pays avec potentiellement des exigences bien moindres sur le bien-être animal ;

  • respectant l’environnement et la santé animale et humaine : limiter l’émergence de pathogènes de la faune sauvage pouvant se transmettre au animaux domestiques puis à l’homme, concept "One Health", une seule santé.

Le challenge actuel est donc de continuer à développer des systèmes d’élevage dits « alternatifs aux cages » permettant de respecter le bien-être animal, c’est-à-dire « un état mental et physique positif lié à la satisfaction des besoins physiologiques et comportementaux de l’animal, ainsi que de ses attentes » (Anses, 2018).

L’état de bien-être d’un animal varie en fonction de la perception de la situation par l’animal. Le système d’élevage devra alors relever le défi de fournir aux animaux un environnement adapté aux besoins spécifiques de leur espèce, par exemple pour une volaille, explorer, picoter, gratter, se percher etc.. ; et également compatible avec le respect de la santé animale, humaine et de l’environnement. Le défi est complexe mais pas impossible, il nécessite une implication des professionnels de l’élevage (y compris la sélection génétique), de l’Etat et des citoyens.

La Commission européenne va accompagner cette réforme en rédigeant d’ici 2030 un nouveau cadre réglementaire de la protection des animaux de toutes les espèces produites en Europe. Afin de produire une règlementation complète et précise, elle devra s’appuyer sur les rapports scientifiques de l’autorité européenne (EFSA). La production de recommandations chiffrées pouvant être intégrées à la règlementation est très complexe car le bien-être des animaux est conditionné par de très multiples facteurs. L’Anses participe activement par ses travaux de recherche, de référence et d’expertise à la production de ces données scientifiques.

Virginie

Cet article a été écrit par Virginie Michel, coordinatrice nationale des activités sur le bien-être animal. 

Elle représente l’Anses au Centre national de référence pour le bien-être animal et est coordinatrice du centre européen sur les volailles, lapins et autres petits animaux de ferme.