13/01/2012 4 min

L'Anses propose d'engager une procédure de restriction pour la gamma-butyrolactone et la 1,4-butanediol afin d'interdire leur vente au public au plan européen

Depuis 2005, plusieurs centaines de cas d'intoxication et un décès ont été rapportés suite à l'absorption, volontaire ou non, de gamma-butyrolactone ou de 1,4-butanediol consommés le plus souvent pour leurs propriétés euphorisantes par de jeunes adultes. A la demande de la Direction Générale de la Santé, et en accord avec la Direction Générale du Travail et la Direction Générale de la Prévention des Risques, autorité compétente pour la Règlementation REACh, l'Anses a été chargée de conduire une analyse de la meilleure option de gestion des risques liés à cette substance. A l'issue de cette analyse et afin de renforcer l'efficacité de l'interdiction nationale relative à la vente de ces substances au public, l'Anses recommande de préparer un dossier pour proposer une restriction d'usage dans le cadre du Règlement REACh, ce qui permettrait d'étendre cette interdiction au niveau européen. Il revient maintenant à l'autorité compétente, en lien avec les partenaires ministériels et les parties prenantes, de valider cette recommandation.

La gamma-butyrolactone (GBL) et la 1,4-butanediol (1-4BD) sont des substances chimiques industrielles peu onéreuses très utilisées dans l'industrie, principalement en tant que solvants entrant dans la composition de diverses formulations ou en tant qu'intermédiaires de synthèse dans la fabrication de polyuréthane, de médicaments, de produits phytosanitaires, de polymères, …. Ces deux substances sont des précurseurs du gamma-hydroxybutyrate, plus connu sous le nom de GHB ou de «drogue du viol», classé comme stupéfiant depuis 1999. Depuis cette date, il a été constaté une augmentation de l'usage récréatif de ces deux précurseurs qui sont rapidement métabolisés en GHB dans l'organisme après ingestion, provoquant ainsi des sensations équivalentes et permettant de contourner la législation sur le GHB. Considérant notamment le fait que l'obtention de ces substance est aisée et qu'elles peuvent notamment être vendues au grand public pour des usages divers (dissolvants, nettoyants automobiles…) y compris à de fortes concentrations., la France a décidé d'interdire l'offre et la cession au public de GBL et de 1,4-BD que ce soit en tant que matière première, ou via des produits manufacturés en contenant une concentration supérieure à 10% et d'un volume de plus de 100 mL. Cette interdiction est en vigueur depuis le 2 septembre 2011.

Quels sont les risques liés à ces substances ?

L'ingestion volontaire de GBL ou de 1,4-BD peut entrainer des troubles respiratoires, des troubles de la conscience, une perte de connaissance et une altération des fonctions vitales pouvant aller jusqu'au coma et pouvant conduire au décès. Les cas d'intoxications volontaires concernent majoritairement des jeunes adultes qui consomment ces produits dans des lieux festifs variés, mais aussi à domicile. L'ingestion de ces substances est d'autant plus dangereuse que la marge entre la dose «euphorisante» et la dose potentiellement mortelle est faible et dépendante de facteurs multiples : boissons (alcool notamment) ou drogues consommées de façon concomitante, masse corporelle, état de forme physique de l'individu, etc.

Depuis 2005, un peu plus de 200 cas d'intoxication et un décès en lien avec la consommation de GBL ont été constatés en France par le réseau de toxicovigilance (CAPTV) (1) et le réseau d'addictovigilance (CEIP)(2). Cette tendance est également observée dans de nombreux pays européens. D'après l'Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT), les cas de surdosage représentent une part significative des urgences liées à la consommation de substances illicites dans plusieurs grandes villes européennes.

Comment ces substances sont-elles réglementées ?

En janvier 2010, la Direction Générale de la Santé a fait appel à la Direction des produits règlementés de l'Anses dans l'objectif d'examiner les différentes voies règlementaires possibles, en particulier au niveau européen, permettant de limiter les risques pour la santé humaine liés à l'ingestion volontaire de GBL et de 1,4-BD.

En parallèle, un arrêté du ministère de la santé interdit depuis le 2 septembre 2011, l'offre et la cession au public de gamma-butyrolactone (GBL) et de 1,4-butanediol (1,4-BD) en tant que matière première, ainsi que des produits manufacturés en contenant une concentration supérieure à 10% et d'un volume de plus de 100 mL.

Compte tenu des nombreux pays européens concernés par cette problématique (Allemagne, Norvège, Finlande, Pays-Bas, Danemark, Espagne, Italie, Suède, Grande-Bretagne et France) et considérant la libre circulation des biens à l'intérieur du territoire européen, une action règlementaire européenne permettrait d'harmoniser la gestion de ce risque au sein de l'Union européenne. L'Anses recommande donc de renforcer l'efficacité de l'interdiction nationale par son extension au niveau européen en construisant un dossier de proposition de restriction dans le cadre de REACh (3) visant à modifier l'annexe XVII de ce règlement.

De plus, l'Anses estime qu'il serait souhaitable de renforcer et de cibler la communication vers les populations concernées à propos des risques encourus lors de la consommation de GBL ou de 1,4-BD. Ceci permettrait de mettre l'accent sur les risques liés à l'ingestion de ces substances et sur l'accroissement de ces risques en cas de consommation simultanée d'alcool ou d'autres drogues. La GBL et le 1,4-BD pouvant en outre être utilisés à des fins de soumission chimique, cette campagne de communication pourrait concourir à promouvoir les autres formes de précautions à prendre (surveillance de son verre dans les lieux de festivité, verres fermés,…).


(1)Centres antipoison et de toxicovigilance

(2) Centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance

(3) Règlement (CE) n°1907/2006 du Parlement Européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission.