Visuel d'illustration de coronavirus

Animaux, aliments et eaux : les coronavirus étudiés sous plusieurs angles

Pendant deux ans, le projet COVRIN a réuni 20 partenaires de 13 pays européens autour du SARS-CoV-2 et des coronavirus. Le but : mieux cerner les facteurs d’émergence et de dissémination du virus responsable du Covid-19 pour se préparer en cas d’émergence d’un nouveau coronavirus. L’Anses a été fortement impliquée sur les risques de passage de l’animal à l’être humain et la possibilité de transmission à partir de l’environnement.

Six des neuf laboratoires de l’Anses, dans les domaines de la santé animale, de l’alimentation et de l’hydrologie, ont participé au projet COVRIN. Le projet a été financé par le programme conjoint européen One Health EJP, coordonné par l’Anses. Débuté en pleine pandémie de Covid-19, le projet visait à mieux connaître les facteurs d'émergence et de propagation du SARS-CoV-2 et à construire des modèles pour mieux évaluer les conditions de transmission du virus. Il est coordonné par le Wageningen Bioveterinary Research (WBVR), aux Pays-Bas, et l’université de Surrey, en Angleterre.

De nombreux coronavirus chez les animaux

Les coronavirus des animaux sont des bons modèles pour étudier les coronavirus humains. En effet, les animaux sont porteurs de nombreux virus de cette famille, dont certains sont connus depuis longtemps. « Le premier coronavirus a été découvert dans les années 1930 chez les volailles », rappelle Paul Brown, du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort. La présence de plusieurs coronavirus chez un même individu implique la possibilité de recombinaisons, c’est-à-dire d’échanges de gènes entre virus. Cette faculté augmente le risque de voir apparaître un nouveau virus, qui pourrait par exemple avoir une plus grande capacité à infecter une nouvelle espèce ou des caractéristiques nouvelles qui affecterait le système immunitaire de l’animal ou de l’humain infecté. L’un des objectifs du projet était d’évaluer la possibilité de recombinaison entre coronavirus et d’estimer la fréquence de ces évènements, en prenant comme modèle les coronavirus présents chez le porc.

Des travaux sur la capacité des coronavirus à passer d’une espèce à l’autre

Les scientifiques du laboratoire de Ploufragan ont également étudié si des coronavirus détectées habituellement chez une espèce peuvent infecter des espèces proches. Ils se sont pour cela basés sur les trois principaux coronavirus qui touchent les volailles : le virus de la bronchite infectieuse aviaire, qui concerne surtout les poules, le coronavirus de la dinde et le coronavirus entéritique de la pintade. Ces trois virus ont une structure génétique comparable, sauf pour le gène de la protéine de surface du virus nommé « Spike » (S), qui permet l’entrée du virus dans la cellule hôte. Pour savoir comment cette différence impacte leur capacité d’infection, les scientifiques ont inoculé les trois virus à des groupes de poules. Ils projettent de faire de même chez les pintades et les dindes. Leurs résultats ne sont pas encore publiés.

Toujours sur la problématique du passage d’une espèce à l’autre, le laboratoire de la rage et de la faune sauvage à Nancy a entrepris de tester la transmission de coronavirus d’une espèce sauvage à une autre. Pour cela, l’équipe a pris comme modèle le coronavirus du hérisson. « C’est un coronavirus très courant, environ 50 % des hérissons recueillis dans les centres de soin en sont porteurs. », explique Élodie Monchatre-Leroy, directrice du laboratoire. Première étape : isoler le virus pour tester sa capacité à infecter d’autres espèces animales. Ceci s’est avéré plus facile à dire qu’à faire, car ce coronavirus, présent dans le tube digestif et les excréments, est difficile à isoler et à cultiver. Les travaux sont encore en cours pour y parvenir.

Améliorer la détection des coronavirus dans la faune sauvage

Comme l’a montré le Covid-19, lorsque des virus portés par les animaux sauvages se transmettent à l’être humain, ils sont susceptibles de provoquer des épidémies. La détection des virus circulant dans la faune sauvage est donc primordiale pour essayer d’anticiper ceux présentant un risque d’émergence. Encore faut-il pouvoir les détecter de façon fiable. Certaines substances, comme le sang ou les selles contiennent des inhibiteurs qui empêchent la bonne réalisation des tests PCR. Ceci complexifie la détection de virus à partir de cadavres d’animaux. Evelyne Picard-Meyer, du laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy, a donc amélioré le test de détection en utilisant des « gènes de ménages » : « Il s’agit de gènes présents dans toutes les cellules, explique-t-elle. S’ils sont détectés, c’est que l’analyse PCR est valable. On peut donc conclure que si le test de détection de virus est négatif c’est que l’animal n’en est pas porteur. Sinon, c’est que l’échantillon est trop abîmé pour être intégré dans les statistiques de suivi ».

Au laboratoire de Lyon de l’Anses, Viviane Hénaux a été impliquée dans le recensement des activités de surveillance du SARS-CoV-2 chez les animaux de compagnie, d’élevage et sauvages. Le but était de rassembler les données de surveillance collectées d’avril 2020 à décembre 2021 dans chaque pays participant. Ces données ont permis de construire des modèles de risque de transmission du virus de l’animal à l’être humain. Le laboratoire de la rage et de la faune sauvage a fourni les données qu’il avait recueillies chez certaines chauve-souris et les animaux de compagnie dans le cadre d’un autre projet.

Étude d’un coronavirus mortel chez les chats

Un coronavirus est également fréquent chez les chats, chez qui il peut causer une maladie mortelle, la péritonite infectieuse féline. Les séquences génétiques des souches en circulation sont variables. L’unité mixte de recherche Virologie, qui associe le laboratoire de santé animale de l’Anses, l’École nationale vétérinaire d’Alfort et Inrae, a mené une étude sur la variabilité de ces séquences, afin de savoir si certaines sont liées à des symptômes et une mortalité plus importante.

Les capacités inattendues du SARS-CoV-2 à survivre à la congélation

Outre le risque de transmission par les animaux, la possibilité de passage du SARS-CoV-2 par le contact avec l’environnement ou les eaux usées s’est aussi posée. « Pour envisager ces voies d’entrée alternatives, il faut démontrer la présence de virus capables d’infecter un humain sur les surfaces ou dans l’eau », explique Sandra Martin-Latil. La scientifique du laboratoire de sécurité des aliments s’est intéressée aux surfaces plastiques et en acier inoxydable en contact avec la nourriture. « La problématique s’est posée lorsqu’à l’été 2020 des cas ont été déclarés en Chine alors que le pays était indemne du virus, rappelle-t-elle. L’hypothèse d’une contamination par le contact avec des emballages plastiques de produits surgelés importés a été soulevée. » Cette possibilité n’avait jusque-là pas été envisagée, les virus enveloppés comme le coronavirus étant habituellement trop sensibles pour rester longtemps infectieux à la surface d’un objet. On sait désormais qu’il faut attendre une semaine pour que la quantité de virus diminue de 90 % à 4°C et qu’il résiste encore plus longtemps à - 20°C.

Propagation du virus par les eaux usées : une question non résolue

Pour ce qui est de la contamination des eaux par le SARS-CoV-2, on sait déjà que le génome du virus est détectable dans les eaux usées et les boues d’épuration. Cette détection est d’ailleurs utilisée pour suivre l’évolution de la pandémie au sein de la population. Cependant, comme le rappelle Ali Atoui, chercheur au sein du laboratoire d’Hydrologie de Nancy « Ce n’est pas parce que l’on détecte un fragment du virus qu’il est infectieux. Pour le savoir, il faut réussir à isoler un virus entier. » Le laboratoire a participé à l’analyse des études publiées sur la question. Pour l’instant, aucune d’elles n’a apporté la preuve de la présence de virus infectieux dans les eaux ou les boues des stations d’épuration. Il est à noter que peu d'études sur ce sujet ont été réalisées. Ceci peut s’expliquer par la complexité des méthodologies à mettre en œuvre, qui nécessitent d’être encadrées et réalisées dans un laboratoire confiné de niveau 3, ce dont ne disposent pas toutes les équipes scientifiques. De plus, les produits chimiques ou les micro-organismes présents dans les échantillons environnementaux peuvent biaiser les résultats et donc limiter leur pertinence. 

Toutes les questions posées dans le projet COVRIN n’ont pas pu trouver de réponse tellement la problématique est vaste. Néanmoins, le projet a permis de consolider ou d’entamer des collaborations entre spécialistes européens et d’échanger sur les méthodes et les protocoles d’études. Les résultats de certains travaux devraient paraître dans les prochains mois. Les recherches sur le SARS-CoV-2 et les coronavirus se poursuivent, afin d’améliorer les connaissances et les méthodes de détection, pour mieux anticiper une future pandémie.