Antibiorésistance

Surveiller et mieux connaître la diffusion de l’antibiorésistance chez les animaux : ce qu’il faut retenir des derniers rapports de l’Anses

À l’occasion de la Journée européenne d’information sur l’antibiorésistance du 18 novembre 2020, l’Anses publie les résultats de la surveillance annuelle des bactéries résistantes aux antibiotiques chez les animaux et du suivi des ventes d’antibiotiques vétérinaires.

Observations du Resapath : la baisse de l’antibiorésistance se poursuit

Depuis 2001, le Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Resapath), suit l’évolution de la diffusion des bactéries résistantes aux antibiotiques, dont ceux d’importance critique pour l’Homme dans les populations d’animaux malades d’élevage et de compagnie. La détection de ces bactéries est réalisée par un réseau de 71 laboratoires d’analyses vétérinaires. Au cours de l’année 2019, 53 469 tests ont été réalisés. La bactérie Escherichia coli est la principale espèce bactérienne identifiée et constitue l’indicateur principal pour le suivi des tendances de l’antibiorésistance.

De manière générale, on observe une baisse ou une stabilisation du taux de bactéries résistantes. Plus spécifiquement pour la bactérie Escherichia coli :

  • la résistance à deux familles d’antibiotiques, les céphalosporines de 3ème et 4ème générations et les fluoroquinolones, est particulièrement surveillée, car celles-ci sont cruciales pour la santé humaine et n’ont pas ou peu d’alternatives. Pour ces deux familles d’antibiotiques, la proportion de bactéries résistantes est faible et la baisse observée ces dernières années se poursuit : le taux de bactéries résistantes aux céphalosporines est compris entre 1% chez les porcs et les volailles et 4% pour les chats. La proportion de bactéries résistantes aux fluoroquinolones est comprise entre 3 % pour les porcs, dindes et chevaux et 8 % pour les bovins ;
  • la colistine est un autre antibiotique suivi de près. La résistance à cet antibiotique est maitrisée depuis ces 15 dernières années et concerne de moins en moins de souches de bactéries ;
  • pour ce qui est des autres antibiotiques, la tendance générale est une légère baisse ou une stabilisation de la résistance. La situation est variable selon les filières : les volailles, pour lesquelles une très nette diminution de l’antibiorésistance avait été observée avant 2014, ont le taux de bactéries résistantes aux antibiotiques le plus faible. Ainsi, ce taux est au maximum de 30 % chez les poules et les poulets, pour les antibiotiques responsables du plus de résistance. Il est au maximum de 40 % pour les dindes. La diminution de l’antibiorésistance a été moins nette pour les porcs et la situation est stable pour les bovins : le plus fort taux de bactéries résistantes est de 65 % chez les porcs et 75 % chez les bovins ;
  • les bactéries multirésistantes, c’est-à-dire qui sont insensibles à plus de trois antibiotiques, sont en baisse toutes filières confondues. En 2019, la proportion de souches multirésistantes est la plus forte chez les bovins, avec 15,5 % de bactéries multirésistantes, et la plus faible chez les dindes (2%).

Par ailleurs, la résistance à la méticilline, autre indicateur majeur de l’antibiorésistance, concerne principalement la bactérie Staphylococcus pseudintermedius, une espèce de staphylocoque à l’origine de pathologies chez les carnivores domestiques. Cette résistance est présente chez 15 à 20 % des souches testées. Ce phénomène est comparable à ce qui est observé chez l’Homme pour le staphylocoque doré. À noter que S. pseudintermedius n’affecte que très rarement les humains.

Suivi de l’usage des médicaments vétérinaires : les animaux globalement moins exposés aux antibiotiques

L’Anses, au travers de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses/ANMV) suit la vente des antibiotiques à usage vétérinaire et l’exposition des animaux à ces derniers. Elle s’appuie pour cela sur les ventes de médicaments vétérinaires déclarées par les titulaires des autorisations de mise sur le marché. La quantité d’antibiotiques vendus est en diminution constante, avec 422 tonnes d’antibiotiques vendus en 2019, soit 10,5 % de moins qu’en 2018.
Cependant, le tonnage d’antibiotiques vendus ne rend pas compte de l’exposition réelle des animaux aux antibiotiques : cela dépend de la posologie du médicament, de la durée d’administration et de l’évolution des populations des différentes espèces animales considérées. En tenant compte des recommandations d’emploi des médicaments étudiés et de l’estimation de la masse des populations animales, l’Agence a déterminé le niveau d’exposition des animaux aux antibiotiques.

Principaux résultats :

  • le niveau d’exposition est le plus bas depuis le début du suivi en 1999. Par rapport à 2011, année de référence du premier plan Ecoantibio, qui visait une réduction de l’usage des antibiotiques de 25 % en 5 ans, l’exposition aux antibiotiques toutes espèces animales confondues a diminué de 45,3 % ;
  • cette diminution se poursuit en 2019, avec une réduction globale de 10,9 % par rapport à l’année précédente ;
  • cette tendance est variable selon les espèces : l’exposition a diminué chez les bovins, les porcs et les volailles, qui enregistrent une baisse respective de 9,9%, 16,4% et 12,8 % en un an, mais on observe pour l’année 2019 un léger rebond pour les lapins et les carnivores domestiques que sont le chien et le chat : + 1,5 % pour les lapins et +2,1 % pour les carnivores. Cette remontée ne doit pas faire oublier la tendance à la diminution enregistrée depuis 2011 ;
  • depuis 2013, l’exposition des animaux aux antibiotiques d’importance critique a diminué fortement et s’est stabilisée ces trois dernières années : entre 2013 et 2019, elle a diminué de 86 % pour les fluoroquinolones et de 94,1 % pour les céphalosporines de dernières générations ;
  • la colistine, pour laquelle des mécanismes de résistance transférables ont été décrits, a vu son taux d’exposition diminuer de 64,2 % par rapport au niveau moyen de référence entre 2014 et 2015. L’objectif de diminution de 50 % en cinq ans fixé en 2017 par le second plan Ecoantibio a été atteint pour les filières porcine, avicole et bovine.

En conclusion, la dynamique pour une utilisation prudente et responsable des antibiotiques menée ces dernières années est un succès, qui doit être maintenu par les efforts continus de chacun des acteurs.