Trois questions à Ohri Yamada sur la phytopharmacovigilance

Dispositif propre à la France, la phytopharmacovigilance se focalise sur les effets des produits phytopharmaceutiques et de leurs résidus, observés dans leurs conditions réelles d’utilisation. Présentation de ce dispositif avec Ohri Yamada, chef de l’unité phytopharmacovigilance.

La phytopharmacovigilance, qu’est-ce que c’est ?

Créée par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt en octobre 2014, la phytopharmacovigilance repose sur une vingtaine de partenaires dont les centres antipoison humain et vétérinaire, la Mutualité sociale agricole et des ministères et organismes publics en charge de la surveillance des milieux, l’eau, l’air ou les aliments. Le dispositif rassemble les données de ces réseaux, ainsi que les signalements réalisés directement par les professionnels qui utilisent les produits phytopharmaceutiques, les vendent ou conseillent les utilisateurs. Il permet donc de collecter de nombreuses données sur la présence de résidus de pesticides dans les milieux, les expositions observées et les impacts sur la santé des êtres vivants et des écosystèmes. L’objectif est d’assurer une vigilance tous azimuts des effets liés à l’utilisation de ces produits. La veille bibliographique et médiatique que nous faisons constitue également une source d’information pouvant être à l’origine d’alertes, sachant que nous portons une attention spécifique aux études épidémiologiques. Dans le cadre du dispositif, l’Anses produit enfin des fiches de synthèse par substance active, toutes disponibles sur notre site internet.

Sur quoi portent les études financées par la phytopharmacovigilance ?

Pour analyser les signalements d’effets indésirables ou pour combler le manque de données d’exposition, l’Anses finance des études et des campagnes de mesures à l’aide d’un budget  spécifiquement attribué à la phytopharmacovigilance. En 2020, vingt-cinq études ont été finalisées et cinq nouvelles ont été engagées, correspondant à environ 1,4million d’euros.  Par exemple, deux études ont été lancées afin d’apporter des  éléments sur l’exposition dans les régions viticoles. L’une porte sur l’imprégnation aux pesticides des riverains de cultures agricoles menée en collaboration avec Santé publique France (PestiRiv) et l’autre, sur l’association géographique et statistique entre cancers de l’enfant et résidence à proximité d’activités agricoles menée  par l’Inserm et Santé publique France (GEOCAP-Agri). Si la contamination d’un milieu n’est pas suffisamment documentée, le financement d’une campagne de mesures peut être décidé, comme cela a été le cas pour l’air ambiant et le sol. Au total, ce sont plus de quarante études qui ont été financées depuis la création du dispositif de phytopharmacovigilance.

Quel est l’impact de ce dispositif ?

L’ensemble de ces données est systématiquement examiné au moment du réexamen des autorisations de mise sur le marché. Si les bilans révèlent des contaminations fréquentes et dépassant les seuils, cela peut conduire à restreindre, voire interdire l’utilisation d’un produit. En cas d’alerte sanitaire, les données sont exploitées sans attendre l’échéance du réexamen réglementaire de l’autorisation de mise sur le marché. Ainsi, l’épisode d’intoxications groupées au métamsodium à l’automne 2018 dans le Maine-et-Loire a amené à accélérer le retrait du marché des produits contenant cette substance active. La phytopharmacovigilance permet aussi de faire évoluer les dispositifs réglementaires. Par exemple, les données documentant la mortalité des abeilles et la contamination des ruches ont conduit l’Anses à recommander d’étendre le dispositif réglementaire qui protège les pollinisateurs, aux fongicides et aux herbicides alors qu’il concernait uniquement les insecticides et les acaricides. Cette disposition est examinée dans le cadre du plan Pollinisateurs de 2021. Avec la phytopharmacovigilance, l’Anses dispose ainsi d’une vision globale et intégrée de l’impact des produits phytopharmaceutiques, tout au long de leur utilisation.