Vaches
24/11/2021
Expertise
5 min

Ingestion de débris métalliques par les vaches : comment mieux prévenir les risques ?

Des corps étrangers, notamment métalliques, se retrouvent parfois accidentellement mélangés à l’alimentation des bovins. Leur ingestion peut provoquer des lésions des organes internes, qui dans les cas les plus graves peuvent conduire à la mort de l’animal. Suite à une saisine par l’association Robin des bois, l’Anses vient de publier une expertise faisant le point sur l’ampleur du phénomène. Elle recommande des mesures de prévention pour limiter le risque d’ingestion de fragments de métal par les vaches et souligne que l’administration d’aimants est un moyen efficace pour éviter des lésions.

En se basant sur les données collectées dans les abattoirs, lors des autopsies et dans les exploitations, ainsi que sur les données dans la littérature scientifique, le groupe de travail de l’Anses a estimé qu’au moins 7 à 20 % des bovins étaient concernés par l’ingestion de corps étrangers métalliques en France. Avec un cheptel de plus de 10 millions de bovins, cette estimation donne une idée de l’ampleur du problème. Issue surtout des activités en lien avec l’exploitation, la présence de ces corps étrangers dans l’estomac des vaches a des conséquences très variable sur leur santé et leur bien-être. Dans une fraction des cas, ils sont source de douleurs et provoquent de graves lésions. Ainsi, chaque année, environ 30 000 carcasses sont totalement ou partiellement écartées de la consommation quand les animaux arrivent à l'abattoir, du fait de la présence de lésions liées à l’ingestion de ces corps étrangers. De plus, les corps étrangers et les lésions associées provoquent la mort d’environ 29 000 bovins par an à la ferme, sans valorisation possible. La somme de ces chiffres représente environ 0,6 % de l’effectif bovin français

Surtout des objets métalliques retrouvés dans l’estomac des vaches

La majorité des corps étrangers retrouvés dans la panse des vaches sont des fils de fer de quelques centimètres, et dans une moindre mesure des clous. Leur origine la plus probable est liée aux activités autour de l’exploitation : structures métalliques des pneus usagés, utilisés pour maintenir les bâches recouvrant le fourrage (ensilage), bouts de clôtures possiblement arrachées lors de la coupe de haies, déchets de chantiers, etc. « Tous les types d’élevage sont concernés, ceux en intérieur comme ceux en extérieur, mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, les vaches vivant à l’intérieur semblent plus exposées que celles broutant en extérieur, note Charlotte Dunoyer, cheffe de l’unité Évaluation des risques liés à la santé, à l’alimentation et au bien-être des animaux. L’apport de fourrage depuis l’extérieur avec le recours à la mécanisation a pour effet de « concentrer » les morceaux de métal dans l’aliment distribué, par rapport à une situation où des animaux passent plus de temps en pâture. Par exemple il est possible que des morceaux de clôture tombés au sol soient prélevés en même temps que l’herbe fauchée, ou que des fils de fer de pneus usagés tombent dans l’ensilage. » 

De bonnes pratiques pour réduire l’exposition des vaches aux morceaux de métal

La première mesure pour éviter les lésions causées par l’ingestion de corps étrangers est d’agir à la source. Les experts ont recommandé des mesures pour éviter la présence de morceaux de métal dans l’environnement des vaches. Par exemple, ne plus utiliser des pneus usagés pour bâcher les fourrages ou équiper les matériels agricoles utilisés pour l’alimentation d’un électroaimant, afin de piéger les objets ferromagnétiques. Une attention particulière doit également être portée lors de l’entretien des clôtures et des haies ainsi que sur les chantiers autour des élevages, pour ne pas laisser des morceaux de métal oubliés. 

Des aimants pour prévenir les lésions graves 

Pour lutter contre la survenue de lésions graves, les éleveurs utilisent assez souvent des aimants. Cet objet de quelques centimètres est placé dans la panse des vaches par voie orale. En attirant et en piégeant les débris métalliques, il évite que ceux-ci causent des lésions en migrant dans des organes fragiles, comme le cœur ou le diaphragme. L’efficacité de ces dispositifs est prouvée. Des études réalisées dans des élevages laitiers au Québec ont notamment montré que les animaux équipés d’un aimant ont deux fois moins de risque d’être diagnostiqués d’une pathologie liée à la présence de corps étrangers que leurs congénères n’en ayant pas reçu. 

La pose de l’aimant présente un risque extrêmement faible pour le bien-être de l’animal : les données bibliographiques indiquent que les traumatismes liés à l’administration d’un aimant par voie orale sont rares. En matière de santé publique et de santé des animaux, « Le risque de dissolution de l’aimant semble être négligeable à l’échelle de la vie de la vache, indique Nibangue Lare, qui a coordonné l’expertise. Le groupe de travail a malgré tout envisagé le pire des cas. Même si l’aimant se dégradait en un an, la teneur de ses éléments constitutifs ne poserait pas de problème pour la santé des animaux ni celle des humains consommant les produits d’origine animale. » 

Les experts recommandent la pose d’un aimant dès les premiers signes évocateurs, pour éviter le développement de troubles graves, et selon le risque d’ingestion des objets métalliques par les animaux. L’administration d’un aimant pourrait notamment être envisagée si d’autres animaux du troupeau ont déjà rencontré des problèmes liés à l’ingestion de corps étrangers ou si l’exploitation est située dans un emplacement à risque, comme les anciennes zones de conflit ou les anciens terrains militaires. Limiter les risques liés à l’ingestion de corps étrangers passe donc par la prévention, d’abord du risque d’ingestion puis de ses conséquences.