27/10/2023

Les cahiers de la recherche

Notre dernier numéro : Cahier de la recherche n°22 : "Cancer et environnement - Comprendre où en est la recherche" (PDF) 

On peut reprendre l’expression « un défi exceptionnel ! », utilisée par l’épidémiologiste et autrefois directeur du Centre de recherche international sur le Cancer, Christopher Wild, pour décrire ce que reste l’étude des relations entre le cancer et l’environnement depuis la mise en place en France en 2003 du premier Plan national concernant cette pathologie. Outre la nécessité de renforcer la lutte contre les cancers professionnels et environnementaux, la lutte contre le cancer implique aujourd’hui de mieux prendre en compte la complexité des interactions dynamiques de l’ensemble des expositions auxquelles une personne est sujette tout au long de sa vie - ce que la Loi de Santé de 2016 a introduite comme étant « l’exposome » interagissant avec le « génome » et le modifiant potentiellement. Cette évolution paradigmatique nécessite le développement de recherches multidisciplinaires, d’avancées techniques ainsi que de nouvelles approches et innovations méthodologiques. Ainsi la toxicologie environnementale ne peut plus se « contenter » d’approches substance par substance mais doit analyser, grâce à l’apport de la spectrométrie de masse de haute définition notamment, la possible présence simultanée de plusieurs centaines de substances dans un seul échantillon biologique (ex. sang, urine, salive, cheveu…) témoignant de l’exposition simultanée, chez la personne échantillonnée, à de multiples sources environnementales de substances imprégnant l’organisme, que ce soit des microplastiques, des métaux lourds, des molécules chimiques émergentes, ou des composés et produits de dégradation encore récemment inconnus.

L’homme vit dans un contexte global avec de nombreuses interactions. S’il est devenu banal de le dire, il reste complexe de l’étudier pour trouver les clés permettant de prévenir ou guérir le cancer. Il est également considéré aujourd’hui que la toxicité des mélanges impliqués dans les mécanismes de cancérogenèse pourrait être amplifiée, par exemple, par l’impact des stress psychologiques ou sociaux. S’en préoccuper devient nécessaire pour mieux comprendre la somme des expositions réelles qui s’appliquent à la personne et en comprendre leurs implications épidémiologiques. L’effet de ces interactions pourrait ainsi être approché par l’étude du croisement entre données massives de santé et données massives d’exposition. Ainsi, deux des projets présentés dans ce nouveau numéro des Cahiers de la Recherche s’appuient sur la cohorte « Constances », qui suit le devenir de plus de 200.000 adultes en France, et qui croise données de santé et données environnementales afin de donner du sens aux effets des expositions sur l’émergence de pathologies humaines.

Alors que les rapprochements entre épidémiologie et toxicologie doivent être encouragés, le  Programme National de Recherche Environnement Santé Travail (PNR EST) incite les chercheurs à concentrer leurs travaux autour de six pistes principales : les substances potentiellement cancérogènes, leurs effets sur l’homme et l’environnement (notamment à faibles doses ou lors de cumuls d’exposition), les facteurs de risques, les interactions gènes/environnement/comportement, le développement de méthodes appliquées à la prévention et la prise en charge des cancers, sans oublier l’identification de biomarqueurs pour évaluer les risques sanitaires. Avec un objectif unique : approfondir la connaissance des liens entre cancer et expositions environnementales afin de mieux protéger à terme la santé humaine.

Pr Benoît VALLET
Directeur général de l'Anses

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