Maladies professionnelles : comment sont-elles reconnues et quel est le rôle de l’expertise scientifique ?
Qu’est-ce qu’une maladie professionnelle ?
Une maladie professionnelle est une pathologie contractée à la suite d’une exposition prolongée à des nuisances dans le cadre du travail. Les nuisances sont multiples et diverses : substances chimiques toxiques, moisissures, bactéries, fortes chaleurs, bruit intense, charges lourdes, travail de nuit ou en horaires décalés, etc.
Contrairement à l’accident de travail, il n’existe pas de définition réglementaire de la maladie professionnelle. C’est la reconnaissance officielle de la maladie par un régime de sécurité sociale qui permet d’ouvrir des droits à indemnisation.
Comment sont-elles reconnues en France ? Le rôle des tableaux
En France, la reconnaissance des maladies professionnelles repose principalement sur un système de tableaux, créé par la loi du 25 octobre 1919.
Ces tableaux précisent pour chaque maladie les conditions de reconnaissance :
- la description de la maladie, c’est-à-dire les symptômes ou les lésions occasionnées par l'exercice du métier : pathologie cardiaque vasculaire, pathologie osseuse, pathologie cutanée et muqueuse... ;
- le délai de prise en charge : il s'agit de la durée maximale qui peut s’écouler entre l’arrêt de l’exposition et la première constatation médicale de la maladie. Dans certains cas, une durée d’exposition minimale peut être mentionnée ;
- les travaux ou les professions, susceptibles de provoquer l’affection.
Lorsque ces conditions sont remplies, la reconnaissance est automatique et le travailleur n’a pas à apporter la preuve du lien entre sa maladie et son activité : il bénéficie de la présomption d’origine professionnelle.
Aujourd’hui, il existe 121 tableaux pour le régime général de la sécurité sociale et 66 tableaux pour le régime agricole. Ils sont organisés selon la maladie ou l'agent pathogène en cause, par exemple, les maladies liées au plomb, les affections liées aux poussières d'amiante, atteinte auditive provoquée par les bruits, etc.
Les acteurs responsables des tableaux de maladies professionnelles
Qui décide de la création ou de la révision des tableaux ?
Les tableaux de maladies professionnelles sont créés ou modifiés par décret après consultation des instances compétentes :
- Pour le régime général : le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), et en particulier sa commission spécialisée n°4 (CS4).
- Pour le régime agricole : la Commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP).
Ces commissions regroupent :
- les ministères concernés,
- les partenaires sociaux (employeurs, salariés),
- des associations de victimes,
- les caisses d’assurance maladie,
- des organismes de prévention,
- des personnalités qualifiées.
Au sein du COCT, la commission spécialisée n° 4 (CS4) est compétente sur les questions relatives à la connaissance de l’origine professionnelle des maladies et à l’articulation entre la réparation et la prévention des maladies professionnelles. En plus des différents départements ministériels concernés, la CS4 regroupe en particulier différents partenaires sociaux, représentant les salariés d’une part et les employeurs d’autre part, mais également associations de victimes, caisse d’assurance maladie, organismes de prévention et personnalités qualifiées.
Pour le régime agricole, la commission supérieure des maladies professionnelles agricoles (COSMAP) assure ces missions. Comme pour le CS4, la COSMAP est composée des différentes parties prenantes : exploitants, employeurs, syndicats de salariés, associations de victimes, MSA, organismes de prévention, personnalités qualifiées.
Les comités régionaux de reconnaissance en maladie professionnelle
Si la maladie ne figure pas dans un tableau, ou si toutes les conditions du tableau ne sont pas remplies, un travailleur peut néanmoins obtenir une reconnaissance via un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).
Deux situations sont possibles :
- Maladie listée dans un tableau, mais conditions non remplies : si le lien direct entre le travail et la maladie est prouvé.
au titre de l’alinéa 6 du CSS : si la maladie est désignée dans un tableau de maladie professionnelle mais qu’une ou plusieurs conditions du tableau ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans le tableau peut tout de même être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel du travailleur ; - Maladie non listée : si elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel, et qu’elle entraîne le décès ou une incapacité permanente d’au moins 25 %.
au titre de l’alinéa 7 du CSS : si la maladie n’est pas désignée dans un tableau de maladie professionnelle, elle peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel du travailleur concerné et qu'elle entraîne le décès de celui-ci ou une incapacité permanente d’au moins 25%;
Le CRRMP est alors chargé de réaliser une expertise individuelle et de rendre un avis motivé sur le lien entre le travail habituel de la victime et la maladie. Il est composé de 3 médecins : un médecin conseil régional pour la Sécurité sociale, un médecin inspecteur régional du travail, un professeur ou praticien hospitalier spécialisé en pathologie professionnelle.
Le saviez-vous ?
C’est au travailleur (ou à ses ayants droit) de déclarer la maladie. Le délai de prescription est de deux ans à partir du moment où le lien entre la maladie et l’activité est établi par un certificat médical.
En quoi consistent les travaux d’expertise de l’Anses ?
Face à la complexité croissante des expositions professionnelles et à la sous-reconnaissance de certaines pathologies, l’État et les partenaires sociaux ont souhaité revoir les modalités de la phase d’expertise permettant, entre autres, d’établir le lien de causalité entre l’exposition professionnelle à une nuisance et une ou des maladies. Cette réorganisation fait partie des mesures identifiées pour restaurer la capacité des pouvoirs publics à réviser la liste des tableaux de maladies professionnelles en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques et des pratiques professionnelles. Depuis 2022, l’Anses est chargée de conduire cette expertise collective, pluridisciplinaire et indépendante. L’objectif : éclairer les pouvoirs publics sur les liens entre expositions professionnelles et pathologies, à partir des données scientifiques les plus récentes.
À qui sert cette expertise ?
Les travaux de l’Anses ont vocation à éclairer différents acteurs :
- l’État et les différents ministères responsables de la création de tableaux de maladies professionnelles dans le cadre de la réglementation actuelle ;
- les commissions consultées par l’État préalablement à toute création ou modification de tableau de maladie professionnelle : conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture (COSMAP) ;
- les institutions de sécurité sociale chargées de l’application de la réglementation relative à la réparation des maladies professionnelles et des recommandations fournies aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles.
Comment se déroule l’expertise ?
L’Anses a constitué un groupe de travail pluridisciplinaire, issu d’un appel public à candidatures. Ce groupe a défini une méthodologie commune pour établir les liens entre expositions et maladies. Les conclusions sont publiées et accompagnées de recommandations concrètes.
En décembre 2024, l’Anses a donc formulé dans un avis des recommandations pour actualiser plusieurs tableaux. L’objectif est d’harmoniser les tableaux des régimes général et agricole, et de mieux prendre en compte des dernières avancées scientifiques et médicales. L’Agence recommande également de rendre les listes de professions indicatives (et non limitatives), pour pouvoir inclure des travaux entraînant des expositions comparables.
>> À lire également, "L'expertise scientifique pour la reconnaissance des maladies professionnelles - Trois questions à Henri Bastos, Directeur scientifique santé travail à l’Anses."
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Tableaux des maladies professionnelles : un outil clé pour la reconnaissance
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