Premiers résultats de la deuxième campagne nationale sur l’état de la qualité de l’air dans les logements (CNL2)
Le périmètre de la CNL2
Si la qualité de l’air extérieur est soumise à une surveillance en continu pour de nombreux polluants dits réglementés, ce n’est pas le cas de la qualité de l’air à l’intérieur des logements. Les Campagnes Nationales Logements ont donc pour ambition d’assurer un suivi de l’évolution de la qualité des environnements intérieurs, où nous passons une grande partie de notre temps.
La CNL2, menée entre novembre 2020 et février 2023, succède à la 1ère Campagne Nationale Logements (CNL1) réalisée entre 2003 et 2005. Elle associe des mesures de qualité de l’air au domicile des participants à une enquête sur les caractéristiques des logements, des ménages et des équipements présents, un descriptif des activités domestiques (travaux, ménage, cuisine, tabagisme…) et la perception du confort par les occupants. Ainsi, l’enquête a été menée dans 571 logements – maisons individuelles et appartements – présents dans 321 communes réparties dans toute la France hexagonale et 1 516 individus ont été interrogés. La méthodologie d’enquête permet d’extrapoler les résultats à l’échelle du parc de 30 millions de résidences principales en France hexagonale.
Ce suivi de la qualité de l’air intérieur dans le temps a été rendu possible par les contributions financières de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), la Direction générale de la santé (DGS), la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), l’Agence de la transition écologique (ADEME), Santé publique France et l’Anses par le biais de son dispositif de phytopharmacovigilance.
Les principaux enseignements
Une amélioration globale de la qualité de l’air intérieur dans les logements…
De manière générale, une baisse des concentrations en COV, aldéhydes et particules dans l’air des logements est observée en 15 ans depuis la CNL1 :
- Baisse particulièrement marquée, de plus de 80 %, pour les COV chlorés (1,4-dichlorobenzène, trichloroéthylène et tétrachloroéthylène) souvent utilisés comme solvants ou désinfectants dans de nombreux produits de bricolage, industriels ou domestiques ;
- Baisse de 28 % pour le formaldéhyde (présent dans les émissions de produits bois), de 33 % pour les particules fines (PM2,5, associées au tabagisme, au trafic routier et aux autres activités de combustion) et de 47 % pour le benzène (trafic routier et activités de combustion) ;
- Baisse des autres COV mesurés de 30 % à plus de 80 %.
Aucune évolution n’a été observée pour certains polluants comme le 1-méthoxy-2-propyl acétate (très peu détecté dans les deux campagnes), l’hexaldéhyde et le radon. Pour la première fois, des mesures de concentration en COSV et en NO2 ont été réalisées dans un panel représentatif des logements dans l’Hexagone.
… expliquée en partie par l’évolution des dispositions réglementaires :
- L’interdiction de certaines substances dans les produits de construction ou du tétrachloroéthylène dans les pressings ;
- L’étiquetage obligatoire des produits de construction qui incite les utilisateurs à choisir des produits moins émissifs ;
- Les actions de réduction des émissions de polluants dans l’air ambiant qui se répercutent sur la qualité de l’air intérieur ;
- Les multiples actions de sensibilisation de la population et des professionnels à la qualité de l’air intérieur menées depuis 2005, au travers notamment des plans nationaux en santé environnement (PNSE) : diffusion en ligne de guides, plaquettes, quiz sur la qualité de l’air intérieur, etc. ;
- Les mesures incitatives visant à diminuer le nombre de fumeurs dans la population, avec une baisse observée de l’ordre de 20 % de la proportion de logements enquêtés avec fumeurs qui joue sur la diminution de la concentration intérieure en particules fines.
Enfin, comparés à des études internationales d’envergure menées en Europe ou en Amérique du Nord, les niveaux observés dans la CNL2 sont globalement du même ordre, voire un peu plus faibles.
Une pollution toujours élevée pour une partie des logements
Dans une partie du parc de logements, les concentrations observées dans l’air intérieur restent supérieures à des valeurs faisant référence pour l’aide à la gestion ou pour la protection de la santé des populations :
- Les particules fines, dépassant l’objectif cible[1] de 10 μg/m3 dans plus de 70 % des logements ;
- Le radon, dépassant la valeur réglementaire[2] de 300 Bq/m3 dans près de 8 % des logements ;
- Le formaldéhyde, dépassant la valeur de gestion[3]de 30 μg/m3 dans un peu plus de 6 % des logements ;
- Le dioxyde d’azote, dépassant la valeur guide journalière[4] de 25 μg/m3 dans près de 3 % des logements ;
- Le benzène, dépassant la valeur repère[5] de 6 μg/m3 dans 1,4 % des logements ;
- Le trichloroéthylène, dépassant la valeur repère[6] de 10 μg/m3 dans 0,05 % des logements.
De façon générale, les concentrations mesurées dans l’air intérieur appellent à maintenir la vigilance, voire à renforcer les efforts pour limiter les émissions de polluants associés à des effets cancérogènes comme le benzène, le tétrachloroéthylène et le benzo(a)pyrène (issu du trafic routier et d’activités de combustion). Pour ces polluants, leur simple présence est source de préoccupation.
L’étude souligne enfin le fait qu’un grand nombre de polluants détectés dans l’air ne disposent pas aujourd’hui de valeurs de référence permettant de positionner les résultats.
Prochaines étapes, perspectives et pistes d’exploitation
Les données collectées dans le cadre de cette campagne continuent à être analysées dans le cadre de l’OQEI. Elles vont permettre d’approfondir différentes questions sur lesquelles des états de lieux ou des actualisations sont prévues dans les mois à venir, comme par exemple :
- L’état de la ventilation des logements ;
- La recherche et l’évaluation de la contribution des déterminants expliquant les niveaux de concentrations des polluants dans les logements ;
- Les problèmes d’humidité et de moisissures dans les logements ;
- La révision de l’évaluation de l’impact sanitaire et socio-économique de la pollution de l’air intérieur.
L’Anses a financé par ailleurs des mesures spécifiques aux pesticides dans l’air intérieur et dans les poussières, dont les résultats seront publiés au second semestre 2025.
« Ces premiers résultats de la CNL2 illustrent parfaitement la vocation de l’OQEI, opéré par l’Anses et le CSTB, de mettre à disposition des connaissances fiables sur les environnements intérieurs pour alimenter l’action publique, la réflexion citoyenne et la communauté scientifique. Faute de valeurs de référence pour de nombreuses substances, les mesures d’exposition ne peuvent pas encore être interprétées en matière de risque sanitaire. La largeur du spectre des substances mesurées par la CNL2 permet aussi de mieux connaître l’exposome chimique, combinaison des différentes expositions et de leurs effets sur la santé. »
Éric Vial et Julien Rogé, pilotes de l’OQEI.
[1] Valeur repère en air intérieur fixée par le Haut conseil de la santé publique à l’horizon 2025. Le dépassement de cette valeur incite à la mise en place d’actions correctives dans un délai de 1 an (identification et réduction des sources de particules).
[2] Article R221-29 du Code de l’environnement, 2022. Au-dessus de ce niveau, l'exposition des personnes est jugée inappropriée, même s'il ne s'agit pas d'une limite ne pouvant pas être dépassée.
[3] Valeur de gestion provisoire proposée par le Haut conseil de la santé publique en 2019. Le dépassement de cette valeur incite à la mise en place d’actions correctives dans un délai de 1 an (amélioration des conditions de ventilation, identification et réduction des sources d’émission).
[4] Recommandation de l’Organisation mondiale de la santé en 2021. Le dépassement de cette valeur recommandée est associé à des risques en termes de santé publique.
[5] Valeur repère de gestion proposée par le Haut conseil de la santé publique en 2024. Le dépassement de cette valeur incite à la mise en place d’actions correctives dans un délai de 1 an (identification et réduction des sources intérieures).
[6] Valeur repère de gestion proposée par le Haut conseil de la santé publique en 2020. Le dépassement de cette valeur incite à la mise en place d’actions correctives dans un délai de 5 ans (identification et réduction des sources intérieures, action sur la ventilation du logement).