Cytostatiques
20/07/2021
Expertise
4 min

Reconnaître le caractère cancérigène des médicaments cytostatiques pour améliorer la prévention des professionnels

Infirmières, aides-soignants, médecins, vétérinaires, personnels de nettoyage…. De nombreux professionnels sont potentiellement exposés aux cytostatiques, ces médicaments administrés en particulier dans le cadre des chimiothérapies pour soigner les cancers. L’Anses recommande d’inclure les travaux exposant à 18 principes actifs cytostatiques à l’arrêté fixant la liste des procédés cancérogènes en droit du travail. L’Agence émet également des recommandations afin de protéger et sensibiliser les employeurs et les professionnels potentiellement exposés.

De nombreux professionnels exposés

Les principes actifs cytostatiques sont majoritairement utilisés pour traiter les cancers, en médecine humaine comme en médecine vétérinaire, dans les établissements de santé, en milieu hospitalier ou non : soins médicaux à domicile, hospices, maisons de soins, cliniques vétérinaires, etc. A l’hôpital, ils peuvent également être utilisés dans d’autres services que les unités d’oncologie, comme la rhumatologie, l’immunologie, la dermatologie ou encore la gynécologie. Selon l’enquête SUMER 2017 (PDF), près de 92 000 salariés sont exposés à ces substances : de la fabrication à la manipulation, en passant par le transport, la gestion des déchets, le nettoyage, etc.

En raison de leurs mécanismes d’action, les cytostatiques sont susceptibles de présenter des propriétés cancérogènes pour les cellules saines. Paradoxalement, ces médicaments qui soignent les patients atteints de cancer peuvent donc exposer les soignants qui les manipulent à des substances elles-mêmes cancérogènes.

Les forts soupçons sur le caractère cancérogène des cytostatiques et leur utilisation courante en milieu professionnel ont donc conduit la Direction générale du travail à saisir l’Anses sur ce sujet.

Prendre en compte les circonstances d’exposition pour prévenir les risques en milieu professionnel

Après des premiers travaux (PDF) publiés en 2018, et en s’appuyant sur des évaluations européennes ou internationales existantes, l’Anses propose aujourd’hui d’inclure les travaux exposant à 18 principes actifs de médicaments anticancéreux à l’arrêté français fixant la liste des substances, mélanges ou procédés cancérogènes au sens du code du travail.

« Aujourd’hui, les médicaments cytostatiques sortent du cadre de classification et d’étiquetage européen. Contrairement aux produits utilisés en milieu industriel, le règlement européen n’impose pas de prévenir l’utilisateur du caractère dangereux des médicaments via un étiquetage spécifique. En proposant d’inscrire les travaux exposant à ces 18 substances dans l’arrêté français, nous contribuons à l’évolution du cadre réglementaire pour une meilleure protection des professionnels exposés » souligne Henri Bastos, Directeur scientifique santé-travail à l’Anses.

A cette fin, l’Anses recommande de prendre en compte, plutôt que les professions exposées, les circonstances d’exposition à ces 18 substances :

  • exposition lors de la fabrication, du conditionnement, de la préparation, du transport et de la manipulation des médicaments ;
  • exposition lors de la mise en œuvre de protocoles impliquant une ou plusieurs des substances identifiées ;
  • exposition du fait de la contamination de l’environnement de travail ou via la gestion des déchets et des excrétions.

« Pour définir des leviers de prévention efficaces, il faut s’intéresser à toute la chaîne d’exposition, de la préparation des médicaments et leur administration à la contamination des personnels par les excrétas du patient (sueur, vomissures) ou encore le traitement du linge ou des déchets » précise Henri Bastos.

Sensibiliser les professionnels exposés 

Dans le cas des cytostatiques, la substitution des substances est difficile à envisager dans la mesure où leur utilisation s’impose dans l’intérêt thérapeutique des patients.

Aussi, pour maîtriser au mieux les risques existants, l’Anses recommande aux employeurs :

  • d’identifier et d’évaluer le risque cancérogène pour les personnels exposés ;
  • de sensibiliser et former les travailleurs potentiellement exposés à ce risque (techniques de retrait de gants potentiellement contaminés par exemple) ;
  • de mettre en place une surveillance des expositions de ces professionnels.

Si l’expertise menée par l’Anses s’est focalisée sur le caractère cancérogène des cytostatiques, l’Agence rappelle que ces principes actifs peuvent également présenter des effets sur la reproduction et le développement qui doivent être pris en compte dans la prévention des risques professionnels.

Approfondir les connaissances

L’Anses recommande également de façon plus globale d’améliorer les connaissances sur le risque cancérogène lié à l’exposition à ces médicaments via :

  • une extension de cette réflexion à d’autres médicaments que des anticancéreux ;
  • une éventuelle classification des principes actifs au travers du règlement CLP qui permettrait, dans le cas des substances CMR - cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction - d’engager automatiquement la mise en œuvre de mesures de prévention, de protection ou de suivi médical des personnels exposés ;
  • une amélioration et une harmonisation des informations relatives à la génotoxicité et à la cancérogénicité figurant dans le résumé des caractéristiques du produit.