interview
05/07/2022 5 min

PARC : refonder l'évaluation des risques en Europe

Interview croisée de Sofie Norager, Chef d’unité adjointe de l’unité transformation industrielle à la direction générale recherche et innovation de la Commission européenne, et Pascal Sanders, coordinateur de PARC à l’Anses. 

PARC, le partenariat européen pour l’évaluation des risques liés aux substances chimiques, a été lancé le 1er mai 2022. Quelle est sa genèse ?

SOFIE NORAGER. Tout a commencé en 2018, avec la préparation du nouveau programme de recherche et innovation « Horizon Europe » de la Commission européenne. En se basant sur l’expérience des projets en cours à l’époque, notamment du partenariat de biosurveillance chez l’homme HBM4EU, il fallait imaginer comment aller plus loin sur les risques liés aux substances chimiques. Il y avait une volonté d’intensifier les collaborations et les connexions entre les mondes de la recherche et de l’évaluation des risques. A alors germé le projet de créer une structure stable de référence pour fixer une vision, un cap, un agenda de travail, en particulier pour partager les données et connaissances issues de la surveillance et de la recherche. L’Anses, en collaboration avec d’autres agences d’évaluation des risques, avait proposé le concept d’une plateforme européenne sur la toxicologie pour collaborer et avancer ensemble sur les produits chimiques. Les réflexions engagées avec les États membres, les agences sanitaires mais aussi les parties prenantes dont les industriels, se sont poursuivies alors que la stratégie européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimique était en pleine préparation.

Quel rôle l’Anses a joué dans la construction de PARC ?

PASCAL SANDERS. L’Anses avec ses homologues allemand, belge, danois, irlandais, néerlandais et suédois avait effectivement proposé à la Commission européenne de créer un programme de toxicologie, ce qui a constitué l’une des briques préfiguratrices de PARC. L’objectif était de disposer d’un outil de génération de données indépendant pour traiter les questions sanitaires liées aux substances chimiques. L’Agence était déjà impliquée dans HBM4EU et d’autres projets européens en rapport avec ce sujet. Avec EJP One Health, nous disposions par ailleurs de l’expérience de coordination de grands projets européens. Quand le principe d’un projet de grande envergure financé dans le cadre d’Horizon Europe s’est dessiné, notre directeur général, Roger Genet a souhaité que l’Anses soit acteur de ce nouveau partenariat du fait de notre positionnement transversal sur les questions de risques sanitaires. À l’Agence, nous sommes convaincus de la nécessité d’appliquer une approche « une seule santé ». Nous nous intéressons aux différents usages des substances chimiques dans notre quotidien et au travail, leurs transferts dans l’environnement dans les aliments, etc. Or PARC vise à regarder les substances chimiques et leurs effets sur la santé et l’environnement de façon globale et non par secteurs ou par produits. La construction de ce partenariat est un fort engagement de la part de l’Agence, qui a investi d’importants moyens humains et financiers pour le lancer et le coordonner, avec l’assentiment de nos ministères de tutelle.

En quoi PARC permet d’appuyer la stratégie de l’Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques ?

SOFIE NORAGER. PARC est un outil de recherche et d’innovation qui va apporter le savoir-faire scientifique nécessaire à cette stratégie, notamment pour la mise en place de l’approche « une substance, une évaluation ». Le principe est de faire une évaluation de risques d’une substance réutilisable dans les autres domaines. En effet, si une substance est évaluée comme toxique dans un aliment, pourquoi elle ne le serait pas dans un autre produit du quotidien ? Dans PARC, l’objectif est de mutualiser les ressources et faciliter l’accès aux données et aux connaissances pour les agences nationales et européennes. PARC permettra aussi de renforcer les mesures d’imprégnation des populations aux différentes substances chimiques, nécessaires aux politiques publiques. Un volet vise également à soutenir le développement de substances chimiques sûres et durables dès leur conception, une autre ambition de la stratégie européenne sur la chimie durable. Pour créer des alternatives aux substances dangereuses, on a besoin de données sur la toxicité, sur les expositions et sur les utilisations dans les produits. Toutes les actions engagées dans PARC sont interconnectées pour inventer une nouvelle façon de produire et d’utiliser la chimie dans l’Union européenne.

À travers la coordination de PARC, quelle ambition portez-vous ?

PASCAL SANDERS. Pour mieux faire face au risque chimique, il faut sortir des silos réglementaires et pouvoir répondre à toutes les questions scientifiques : où sont les substances chimiques, quelles sont les voies d’expositions des consommateurs et leur devenir dans l’environnement ? Pour cela, l’enjeu de PARC est de faire travailler en réseaux les scientifiques de différents pays spécialisés dans différentes disciplines. Ce partenariat permettra de faire l’interface entre les institutions de recherche et les agences européennes, qui pourront préciser les données dont elles ont besoin, leurs attentes en termes de méthodes expérimentales ou de logiciels, ou encore mieux prendre en compte les perturbateurs endocriniens et le concept d’exposome dans l’évaluation des risques. PARC va capitaliser à la fois sur les nouvelles méthodes et connaissances développées mais aussi sur les réseaux de partenaires qui travaillent ensemble depuis plusieurs années. À terme, l’objectif est non seulement d’éliminer les substances dangereuses mais aussi d’intégrer l’évaluation de risque dans l’industrie de la chimie pour appuyer le développement de substances, matériaux et produits innovants qui ne nuisent pas à l’Homme et l’environnement.