Air Ambiant
21/12/2017 5 min

Pollens et moisissures de l’air ambiant dans les Outre-Mer : mieux les connaître pour mieux évaluer leurs impacts sur la santé

L’Anses a été sollicitée afin de dresser un état des connaissances sur l’impact sanitaire des pollens et moisissures allergisants de l’air ambiant sur la population générale des départements et régions d’outre-mer (DROM) : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte. Cette expertise met en évidence le manque de données disponibles dans ces territoires pour évaluer l’impact sanitaire des pollens et moisissures de l’air ambiant sur la santé de la population générale. Dans ce contexte, l’Agence recommande notamment de mettre en place un dispositif de mesure des pollens et des moisissures présents dans l’air ambiant, de poursuivre la recherche afin de mieux connaître l’état de santé des populations, de développer les actions de prévention et d’information des populations sur ces problématiques de santé et de pérenniser les actions déjà conduites par les associations locales sur l’asthme et les allergies.

L’Anses a été saisie par les ministères en charge de l’écologie et de la santé afin de dresser un état des connaissances relatif aux pollens et moisissures de l’air ambiant des départements et régions d’outre-mer les plus préoccupants en termes de santé et aux principaux effets sanitaires associés. Cette demande faisait suite à la publication par l’Agence d’une expertise sur les pollens de l’air ambiant, en 2014, et sur les moisissures dans le bâti, en 2016, en France.

Exposition de la population aux pollens et moisissures présents dans l’air ambiant

Aucun dispositif pérenne de mesures des pollens et des moisissures présents dans l’air ambiant n’existe actuellement dans les DROM. Les données présentées dans le rapport d’expertise ont permis de dresser une liste non exhaustive et d’estimer le potentiel allergisant des pollens (filao, euphorbe, canne à sucre, etc.) et des moisissures (cladosporium, aspergillaceae, etc.) présents dans les DROM. Elles mettent en évidence des variations qualitatives et quantitatives des pollens et des moisissures, en lien avec les facteurs géographiques et/ou climatiques. Toutefois, il s’agit de données ponctuelles et très localisées qui ne permettent  pas de dresser un inventaire précis des espèces présentes dans les DROM ou d’évaluer précisément l’exposition de la population à ces agents biologiques.

Effets sanitaires potentiellement associés aux pollens et aux moisissures de l’air ambiant

L’Agence constate que les cas de rhinite allergique sont plus nombreux à la Réunion et en Guadeloupe qu’en France hexagonale. Le même constat est fait concernant l’asthme : le nombre de personnes asthmatiques, la morbidité et la mortalité liées à l’asthme sont plus élevés en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion qu’en France hexagonale. A titre d’exemple, les départements d’outre-mer (La Réunion et les Antilles) présentent une prévalence de l’asthme, chez des collégiens, plus élevée que la moyenne nationale (entre 11% et 12% dans les DOM contre 8,6% en France hexagonale). Toutefois, ces données ne sont pas suffisantes pour établir un lien entre ces pathologies et l’exposition aux pollens et moisissures de l’air ambiant.

Par ailleurs, l’absence de tests allergologiques spécifiques et fiables ne permet pas d’effectuer un diagnostic de l’état de sensibilisation de la population aux pollens et aux moisissures caractéristiques des DROM.

Facteurs interagissant avec les pollens et les moisissures

En l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible de déterminer l’influence des conditions météorologiques ou de la pollution atmosphérique sur la production des pollens, le développement des moisissures et leur dispersion dans l’air ambiant des DROM.

S’agissant des moisissures en milieu tropical, leur développement et leur dispersion dans l’air ambiant sont a priori favorisés par certains facteurs : humidité relative, pluviométrie, température, vent, cyclones tropicaux, etc.

Même s’il existe une association entre les brumes des sables, la pollution atmosphérique ou certains facteurs météorologiques ou climatiques et des indicateurs sanitaires, il n’est pas possible, en l’état actuel des connaissances, d’évaluer l’interaction entre ces facteurs et les pollens et moisissures présents dans l’air ambiant des DROM.

Les recommandations de l’Agence

Face à ces constats, l’Agence recommande d’évaluer l’exposition de la population générale des DROM aux pollens et moisissures, notamment :

  • en mettant en place un dispositif de mesure des pollens et des moisissures présents dans l’air ambiant prenant en compte la répartition de la population, la biodiversité végétale de ces territoires et les conditions climatiques. L’implantation de capteurs de mesure devra se faire, en priorité, dans les zones à forte densité de population comme le milieu urbain;
  • en poursuivant la recherche et le développement de nouvelles méthodes de capture et d’analyse qui permettraient d’identifier des espèces spécifiques des DROM.

L’Agence recommande d’améliorer les connaissances sur l’état de santé de la population potentiellement exposée aux pollens et moisissures présents dans l’air ambiant, dans  les DROM. Pour cela différentes pistes sont proposées : mise en œuvre d’études épidémiologiques, développement de tests allergologiques spécifiques aux pollens et moisissures des DROM, mise en place d’un réseau de médecins sentinelles.

Il est également nécessaire d’améliorer les connaissances sur les facteurs interagissant avec les pollens et les moisissures de l’air ambiant des DROM : il s’agit en particulier d’évaluer l’influence des conditions météorologiques et du changement climatique ou de la pollution atmosphérique sur la production des pollens, le développement des moisissures et leur dispersion dans l’air ambiant. L’Agence recommande en outre de poursuivre les travaux de recherche sur les autres expositions extérieures, par exemple en menant des études de caractérisation physicochimique et biologique des brumes de sables pour en connaître la composition.

L’Agence renouvelle par ailleurs sa recommandation de mettre en place des études visant à évaluer la nature et l’abondance des moisissures dans le bâti dans les DROM, qu’elle a émise dans le cadre de son expertise relative aux moisissures dans le bâti publiée en 2016.

Concernant les végétaux émetteurs de pollens préoccupants pour la santé, l’Agence préconise :

  • de limiter la plantation des végétaux déjà connus comme allergisants en France hexagonale ou dans d’autres pays ;
  • de décliner, dans les plans régionaux santé environnement des DROM, les actions 8, 9 et 10 « de surveillance, de prévention et de réduction relatives à la présence de pollens et/ou de moisissures allergisants dans l’air » inscrites dans le Plan national santé environnement 2015-2019.

Enfin, l’Agence recommande de mettre en place des actions de prévention et d’information de la population sur les pollens et les moisissures. Elle préconise également d’encourager la mise en place d’une coordination de l’ensemble des acteurs de terrain (Agences régionales de santé, Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air, médecins, pharmaciens, biologistes, botanistes, etc.) afin de favoriser l’émergence d’actions communes et le partage d’informations sur cette problématique sanitaire.