03/05/2021
Portrait
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Celles qui font l'Anses - " Le travail collaboratif est crucial pour surveiller les maladies liées aux tiques"

Sara Moutailler est directrice de l’Unité mixte de recherche BIPAR au Laboratoire de santé animale à l’Anses. Elle est entomologiste médicale, spécialiste des tiques.

sara moutailler

"Les tiques, un sujet d’étude complexe et encore récent"

Dans mon parcours, je me suis rapidement intéressée aux tiques et leurs impacts sur la santé. Ce sont des arthropodes vecteurs comme les moustiques qui transmettent différents virus, bactéries ou encore parasites responsables de maladies chez les animaux et les hommes. Il existe un très grand nombre d’espèces de tiques et chacune peut transmettre plusieurs de ces agents pathogènes. La plupart d’entre eux sont zoonotiques ce qui veut dire qu’ils peuvent se multiplier chez plusieurs espèces animales (le rongeur, le bovin, le cheval, le chien…) et se transmettre à l’Homme.  Chez les tiques, il y a une problématique de co-infection, ce qui signifie qu’elles peuvent être infectées par plusieurs micro-organismes en même temps. Tous ces éléments font que les tiques représentent un sujet assez complexe à étudier par rapport aux moustiques par exemple et il reste encore de nombreux champs à investiguer.

"Augmenter notre performance de détection"

Au laboratoire, mon unité conduit des projets de recherche fondamentale et appliquée pour répondre à des problèmes concrets en lien avec les spécificités des tiques. Par exemple, nous avons mis au point un outil qui permet de faire un criblage puissant d’un grand nombre d’espèces de tiques en y recherchant plus de 50 agents pathogènes potentiellement présents. Nos études visent également à regarder les interactions entre ces tiques et les agents pathogènes qu’elles transmettent, entre les agents pathogènes et le microbiote des tiques mais aussi entre les agents pathogènes et les hôtes mammifères, sachant que chaque espèce de tique se nourrit sur des hôtes préférentiels dont parfois l’Homme. Nous étudions aussi la tique en elle-même jusqu’à sa neurophysiologie, c’est-à-dire son système nerveux et ses neurotransmetteurs, ses glandes salivaires etc. Pour réaliser toutes ces recherches, nous prélevons des échantillons de tiques dans les forêts pour les analyser et les maintenir en élevage pendant plusieurs années. En effet, dans notre tiquarium nous sommes capables de nourrir artificiellement nos tiques par différentes techniques, nous disposons ainsi de centaines de tiques de différents stades (larves, nymphes, adultes) pour nos expérimentations et notamment pour visualisation des organes de tiques ou des agents pathogènes dans ces organes via des systèmes de microscopie et de fluorescence de dernière génération.  

"Cartographier les risques et surveiller les émergences"

Avec les bouleversements des écosystèmes et le changement global, les aires de répartition des tiques évoluent. On les retrouve à de plus hautes altitudes par exemple. Il est donc important de pouvoir savoir quelles espèces de tique se situent dans quelles zones pour cartographier les risques et anticiper également les émergences de maladies. Par exemple, récemment pour la 1ère fois en France, des personnes ont contracté une encéphalite suite à la consommation de fromage au lait cru de chèvre infecté par un virus transmis par les tiques, le virus de l’Encéphalite à tiques. Ce type de contamination est assez rare et on a découvert que l’élevage de chèvres était situé en bordure de forêt où des tiques infectées par ce virus ont été collectées alors qu’on ne suspectait pas la présence de ce virus dans cette zone jusqu’à cet évènement. Nous surveillons également de près le risque d’émergence du virus de la fièvre Hémorragique de Crimée- Congo en France, qui peut être mortel pour l’Homme. Cette surveillance d’agents pathogènes émergents qui peuvent apparaître en fonction des changements des aires de répartition des tiques nécessite un vrai travail collaboratif avec nos collègues de différents instituts français mais également avec le grand public afin de disposer de données du terrain. C’est pour cela que des projets de sciences participatives ont vu le jour avec l’application « Signalement Tique » du projet Citique, une application smartphone pour déclarer ses piqures de tiques et envoyer sa tique piqueuse ou encore le lancement d’un projet au Laboratoire de l’Anses de Nancy sur les tiques dans les jardins privés. Tous ces projets nous permettent aussi d’échanger avec les citoyens et de leur expliquer en quoi consiste nos travaux scientifiques pour mieux les protéger.

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