Antibiorésistance

La résistance aux antibiotiques en santé animale en 11 questions

L'antibiorésistance est une problématique majeure à la fois pour la santé humaine et animale. L'émergence et la diffusion de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques remettent en question l'efficacité de ces traitements. Préserver l'efficacité des antibiotiques constitue donc un réel défi de santé publique qui nécessite une approche intégrée selon le concept One Health, une seule santé humaine et animale.

Qu’est-ce que l’antibiorésistance ?

Les antibiotiques, des substances luttant contre les bactéries responsables d’infections, ont commencé à être utilisés à grande échelle après la Seconde Guerre mondiale. Ils ont permis des avancées médicales majeures, permettant de traiter des maladies jusqu’alors incurables et d’augmenter l’espérance de vie humaine. Mais leur usage fréquent et parfois injustifié (en l’absence d’infection bactérienne, traitements trop courts, trop longs, doses inadaptées), tant en médecine humaine que vétérinaire a favorisé la multiplication de bactéries résistantes à ces traitements, en sélectionnant des souches capables de survivre aux antibiotiques. Ces bactéries résistantes peuvent se transmettre de l’animal vers l’Homme ou inversement.

Pourquoi utilise-t-on des antibiotiques en élevage ?

L'utilisation des antibiotiques en élevage vise principalement à traiter les animaux malades. Les traitements pour prévenir l’apparition d’une maladie infectieuse d’origine bactérienne avant l’apparition de signes cliniques (usage préventif appelé prophylaxie), ou pour traiter un groupe d’animaux suite au diagnostic d’une infection bactérienne pour un ou des animaux du groupe (usage préventif et curatif appelé métaphylaxie) sont fortement réglementés. Ils ne sont autorisés que lorsqu’aucune autre solution n’est possible pour éviter l’infection des animaux et la propagation de la bactérie

L’administration d’antibiotiques se fait sous contrôle vétérinaire et sur prescription. L’ensemble des utilisations d’antibiotiques en santé animale est soumis à une réglementation européenne limitant leur usage, afin de limiter le développement de résistances aux antibiotiques.

Des antibiotiques sont-ils introduits dans l’alimentation des animaux ?

Depuis 2006, un règlement européen interdit d’intégrer dans les aliments pour animaux des additifs antibiotiques visant à favoriser leur croissance. En revanche, des antibiotiques à visée thérapeutique peuvent être introduits dans l’alimentation pour faciliter l’administration par voie orale de ce médicament à un animal ou un groupe d’animaux. Ces derniers doivent faire l’objet d’une prescription, délivrée suite à un diagnostic établi par un vétérinaire.

Quelle est la législation sur l’utilisation d’antibiotiques pour les animaux de compagnie et destinés à l’élevage ?

Entré en vigueur en janvier 2022, le règlement européen n°2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires renforce de plus en plus le cadre d’administration d’antibiotiques et d’antimicrobiens aux animaux :

  • extension de l’interdiction de l’usage des antibiotiques comme facteurs de croissance, déjà appliquée pour les animaux produits dans l’Union européenne, à l’ensemble des animaux et des produits animaux importés dans l’UE
  • prescription vétérinaire obligatoire dans l’ensemble des pays européens pour les médicaments vétérinaires contenant des antimicrobiens
  • restriction du recours à des médicaments vétérinaires antimicrobiens à des fins prophylaxiques (administration d’un médicament à un animal ou à un groupe d’animaux avant l’apparition de signes cliniques de maladie, dans le but d’empêcher qu’une maladie ou une infection se déclare)
  • restriction du recours à des médicaments vétérinaires antimicrobiens à des fins métaphylactiques (administration d’un médicament à un groupe d’animaux après qu’un diagnostic d’une maladie clinique a été établi pour une partie du groupe)
  • interdiction totale d’utilisation chez l’animal de certaines molécules, réservées au traitement d’infections chez l’homme, afin de préserver l’efficacité des antimicrobiens
  • prise en compte du risque d’émergence d’antibiorésistance pour les autorisations de mise sur le marché

Quelles sont les conséquences de la résistance aux antibiotiques pour l’animal et pour l'être humain ?

Aujourd’hui, de nombreuses bactéries résistent à plusieurs antibiotiques (multirésistance). Ce phénomène remet en cause l’efficacité des traitements disponibles et menace la santé humaine et animale. L’apparition de résistance à un antibiotique a pour conséquence d’affaiblir l’efficacité de cet antibiotique pour le traitement des infections dues à la bactérie résistante chez l’animal ou l’homme.

Dans certaines situations, plus aucun antibiotique n’est efficace contre une bactérie, ce qui conduit à des impasses thérapeutiques.

Cette résistance peut se propager dans l’environnement, être transmise à d’autres bactéries et être à l’origine de résistances croisées à d’autres antibiotiques. La lutte contre l’antibiorésistance nécessite donc une approche globale, incluant l’Homme, les animaux et l’environnement. C’est pourquoi les actions contre l’antibiorésistance doivent à la fois porter sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement dans une approche « Une seule santé » ("One Health").

Qu’est-ce qu’un antibiotique critique ?

Certains antibiotiques sont considérés d’importance critique pour la santé humaine, car ils sont les seuls ou parmi les seuls à pouvoir soigner des maladies graves chez l’être humain. C’est le cas des céphalosporines de 3e et 4e générations et des fluoroquinolones. Leur utilisation est donc réglementée en médecine vétérinaire et ne doit être faite qu’en dernier recours.

Comment prévenir la propagation de la résistance aux antibiotiques chez les animaux ?

Afin de prévenir et combattre la propagation de la résistance aux antibiotiques, des précautions peuvent être prises :

  • ne donner des antibiotiques aux animaux que sur contrôle vétérinaire et en respectant les prescriptions
  • réserver l’usage des antibiotiques aux situations qui le nécessitent, en suivant les recommandations par espèce animale et les obligations réglementaires
  • vacciner les animaux pour limiter le besoin d’antibiotiques et favoriser des solutions de remplacement à ces médicaments, s’il en existe
  • améliorer l’hygiène et le bien-être animal pour éviter les infections
  • se laver les mains avant et après avoir touché un animal pour éviter la transmission de bactéries résistantes aux antibiotiques de l’animal à l’être humain ou entre animaux

Quel est le rôle de l’Anses dans la lutte contre l’antibiorésistance en santé animale ?

L’Anses est le Laboratoire national de référence (LNR) pour la résistance antimicrobienne. Par ailleurs, elle coordonne un réseau - unique en Europe -  de surveillance de la résistance chez les bactéries pathogènes d’origine animale, le Résapath. Elle est également responsable de la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires.

L’action menée au sein de l’Anses permet de :

  • surveiller et étudier la présence de résistances bactériennes chez l’animal et dans les denrées d’origine animale

  • suivre l’exposition aux antibiotiques et évaluer les risques liés à l'antibiorésistance dans le cadre de la mise sur le marché d’antibiotiques vétérinaires

  • participer aux travaux européens et internationaux de référence dans le domaine de l’antibiorésistance

  • mener des recherches pour mieux détecter et comprendre l’antibiorésistance

En savoir plus sur toutes les actions de l'Anses sur l'antibiorésistance

Sur quelles bactéries suit-on la résistance aux antibiotiques des espèces animales ?

Le résapath suit un ensemble de bactéries pathogènes chez l’animal.

Pour les animaux destinés à l’alimentation, trois groupes de bactéries d’importance pour la santé humaine sont également surveillés dans l’ensemble de l’Union Européenne :

  • les salmonelles, première cause de toxi-infections alimentaires en Europe
  • les campylobacters, première cause de gastro-entérite en Europe
  • les Escherichia coli, pour estimer le réservoir de résistances en circulation

Quel est le niveau d’exposition des animaux aux antibiotiques ?

Depuis 2011, l’exposition globale des animaux aux antibiotiques a été divisée par deux (- 47% entre 2011 et 2021). Les objectifs des plans EcoAntibio (2012-2016), qui visait une réduction de 25 % de l’usage des antibiotiques en 5 ans, puis du plan EcoAntibio 2 (2017-2021), qui avait pour objectif d’inscrire cette baisse dans la durée, ont été atteints. Le plan EcoAntibio 2 visait également la réduction de moitié de l’utilisation de la colistine, un antibiotique utilisé fréquemment en médecine vétérinaire et réservé aux cas sévères en médecine humaine. Cet objectif a également été atteint, puisque cette diminution était de 68,8% en 2021, par rapport au niveau de référence de 2014-2015 pour les filières bovine, porcine et avicole. L’objectif de réduction de moitié qui avait été fixé par le plan Ecoantibio 2 est donc atteint.

Comment a évolué le taux de résistance aux antibiotiques des bactéries prélevées chez les animaux ces dernières années ?

Créé en 1982 et coordonné par l’Anses, le Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Résapath) surveille l’antibiorésistance vétérinaire. Depuis le début du suivi, le taux de résistance aux antibiotiques a diminué de façon plus ou moins forte selon les filières animales et les antibiotiques.

En 2021, les tendances de l’évolution de l’antibiorésistance restent globalement favorables. À l’exception de l'amoxicilline et de l'amoxicilline-acide clavulanique, une diminution ou une stabilité de la résistance sont observées pour la plupart des antibiotiques. C’est notamment le cas pour les céphalosporines et les fluoroquinolones, d’importance critique pour l’Homme et pour lesquels la conservation de leur efficacité est essentielle en médecine humaine. La proportion de souches résistantes à ces antibiotiques reste très basse depuis plusieurs années (moins de 8%). La résistance à la colistine, un autre antibiotique d’intérêt, reste également à des niveaux faibles chez toutes les espèces animales.