Dengue, chikungunya, Zika : quelle efficacité des lâchers de moustiques pour prévenir les épidémies ?
Les moustiques du genre Aedes, dont le moustique tigre Aedes albopictus, ou encore Aedes aegypti, et Aedespolynesiensis, sont des moustiques vecteurs susceptibles de transmettre des agents pathogènes à l’être humain, notamment les virus de la dengue, du chikungunya et du Zika. Dans les territoires ultramarins français, les épidémies d’arboviroses sont récurrentes et saisonnières. Le nombre de cas en France hexagonale est en augmentation ces dernières années. Or, à ce jour, la lutte contre ces moustiques repose principalement sur l’utilisation de produits insecticides, avec d’importantes contraintes en matière de maîtrise des risques pour la santé humaine et l’environnement, et qui entraînent le développement de résistances des moustiques aux substances qu’ils contiennent.
Plusieurs approches alternatives sont étudiées, dont les lâchers de moustiques. À la demande de la Direction générale de la santé et de la Direction générale de la prévention des risques, l’Anses a mené une expertise pour évaluer l’efficacité des lâchers de moustiques sur les populations de moustiques Aedes et sur les virus qu’ils sont susceptibles de transmettre.
Plusieurs techniques de lâchers de moustiques étudiées
Plusieurs types de moustiques peuvent être lâchés :
- Technique de l’insecte stérile : des mâles rendus stériles par irradiation sont lâchés. Lorsqu’ils s'accouplent avec les femelles sauvages, ces dernières pondent des œufs non viables.
- Technique de l’insecte incompatible : des mâles porteurs d’une souche particulière de la bactérie Wolbachia sont lâchés. Cette bactérie est naturellement présente chez de nombreux insectes et se transmet des femelles à leur descendance. Si une femelle porteuse d’une souche différente, ou non porteuse de la bactérie, s’accouple avec un mâle porteur de la souche sélectionnée, alors les œufs ne se développent pas.
- Technique de remplacement : des moustiques mâles et femelles porteurs d’une souche de la bactérie Wolbachia sélectionnée pour réduire la compétence des moustiques à transmettre un virus ciblé.
Afin d’augmenter leurs effets, les deux premières techniques peuvent être combinées entre elles, ou renforcées en imprégnant les moustiques lâchés d’un insecticide qui empêche les larves de se développer, dans ce cas il ne s’agit pas d’une technique alternative aux biocides.
Des preuves d’efficacité à consolider
L’expertise de l’Anses s’est attachée à qualifier le niveau de preuve de l’efficacité de chaque technique : avéré, possible, probable ou non qualifiable. Des effets sur le nombre d’œufs et/ou les populations de moustiques adultes ont été observés : la technique de l’insecte stérile a notamment un niveau de preuve avéré pour la réduction du taux d’éclosion des œufs chez Aedes albopictus et probable chez Aedes aegypti. Les données disponibles montrent également la capacité de la technique de l’insecte incompatible à réduire le taux d’éclosion des œufs et le nombre de femelles des trois espèces d’Aedes étudiées. Toutefois, les données manquent pour déterminer si ces techniques peuvent effectivement réduire l’incidence des maladies vectorielles.
L’expertise a par contre mis en évidence un effet avéré de la technique de remplacement à diminuer l’incidence de la dengue, et un effet possible sur la réduction de l’incidence du chikungunya.
L’Anses encourage la collecte de données supplémentaires pour compléter l’évaluation de l’efficacité des différentes techniques utilisées pour les lâchers de moustiques.
Des effets non intentionnels à surveiller
L’Agence souligne que ces lâchers de moustiques sont susceptibles d’avoir des effets non intentionnels (apparition de phénomènes de résistance chez les insectes, perturbation des chaînes alimentaires, modification des dynamiques de transmission des virus à l’être humain, etc.). À ce jour, ces effets sont peu documentés et doivent faire l’objet de travaux spécifiques afin d’identifier les mesures à mettre en place pour les maîtriser. C’est pourquoi l’Agence propose de mener une expertise visant à identifier des indicateurs pour surveiller ces potentiels effets lors des futurs lâchers de moustiques.
Des évolutions réglementaires nécessaires
Actuellement, les lâchers de moustiques ne sont pas encadrés par une réglementation spécifique. L’Anses recommande de créer un statut réglementaire pour les insectes irradiés ou porteurs de Wolbachia utilisés en santé publique. L’Agence préconise par ailleurs de rendre obligatoire la déclaration des lâchers auprès d’une autorité compétente. Lors du déploiement des lâchers, elle recommande également de mettre en place des évaluations de l’acceptabilité sociale et des stratégies de communication adaptées au contexte local.
Les moyens de lutte doivent être combinés au sein d’une stratégie intégrée
Les lâchers de moustiques ne peuvent pas, à eux seuls, supprimer les nuisances dues aux moustiques Aedes ni les risques de transmission vectorielle. En effet, il s’agit de techniques préventives qui, pour pouvoir être efficaces, doivent être déployées sur le long terme et lorsque les densités de moustiques sont au plus bas. Elles doivent donc être mises en œuvre dans le cadre d’une stratégie de lutte antivectorielle intégrée. Aussi, d’autres méthodes de prévention et de lutte, notamment celles visant la réduction des populations de moustiques en amont des lâchers restent indispensables, ainsi que, le cas échéant, la mise en place d’une stratégie vaccinale adaptée.
Comment se protéger individuellement des moustiques
Prévenir la prolifération des moustiques en éliminant les lieux de ponte :
- vider régulièrement ou supprimer les coupelles sous les pots de fleurs, les vases ou les seaux ;
- ranger à l’abri de la pluie le matériel pouvant accumuler de l’eau (seaux, jouets, arrosoirs, etc.) ;
- recouvrir les bidons de récupération de l’eau de pluie d’une moustiquaire ou d’un tissu ;
- nettoyer les gouttières pour éviter la stagnation d’eau
Se protéger des piqûres :
- Porter des vêtements longs, amples et de couleur claire,
- Utiliser des répulsifs cutanés en respectant les précautions d’usage ;
- Installer des moustiquaires sur les fenêtres et autour des lits.
Signaler la présence du moustique tigre sur le site signalement-moustique.fr.