Des jardins d’hiver pour le bien-être des poulets
Les jardins d’hiver sont des espaces semi-ouverts, attenants aux bâtiments d’élevage, qui permettent aux volailles de bénéficier de l’air extérieur et de la lumière naturelle tout en étant protégées des prédateurs et des agents pathogènes transmis par la faune sauvage. Ces aménagements, déjà adoptés par certains éleveurs, suscitent un intérêt croissant pour leur potentiel à améliorer le bien-être des animaux. Pour la première fois, une étude conduite par l’Anses en conditions expérimentales a évalué scientifiquement leurs effets. Les résultats, publiés dans la revue Poultry Science, montrent que les jardins d’hivers peuvent avoir des bénéfices notables sur la santé et le bien-être des poulets de chair.
Un dispositif expérimental pour comparer les conditions d’élevage
L’étude a été menée par l’unité Épidémiologie, santé et bien-être (EPISABE) du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort de l’Anses, en collaboration avec le service expérimental d’élevage et d’expérimentation avicole et cunicole. Tous les animaux étaient hébergés dans des enclos intérieurs « enrichis », c’est-à-dire exposés à la lumière naturelle et disposant de plateformes surélevées et de ballots de luzerne. La densité était de 2 478 poulets pour 162 m². La moitié des lots avait également accès à un jardin d’hiver de 72 m².
« Ce protocole nous a permis de comparer des groupes de poulets dans des conditions identiques, à l’exception de l’accès ou non au jardin d’hiver », explique Frédérique Mocz, chargée de projets de recherche sur le bien-être animal au laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort de l’Anses et principale autrice de l’étude.
Des poulets plus actifs et moins sujets aux problèmes cutanés
Les observations montrent que les poulets ayant accès aux jardins d’hiver étaient significativement plus actifs : ils marchaient et couraient davantage, et passaient moins de temps couchés.
Cette activité accrue a une conséquence directe par la réduction marquée des brûlures du tarse, un problème cutané pouvant apparaître lorsqu’un animal reste immobile trop longtemps en contact avec la litière. Ainsi, aucun cas significatif n’a été observé chez les poulets ayant accès à un jardin d’hiver, contre 15,3 % de cas modérés dans le groupe témoin.
En revanche, aucune différence n’a été observée concernant le poids, la consommation d’aliments ou d’eau, ou la mortalité.
Un effet au-delà de l’augmentation de surface disponible
Si les jardins d’hiver permettent d’augmenter la surface disponible pour les animaux, les chercheurs estiment que les effets positifs ne s’expliquent pas uniquement par la densité en animaux plus faible. « La densité dans les enclos intérieurs était déjà relativement faible comparée aux élevages traditionnels. Techniquement, on parle du « chargement », qui mesure la masse de poulets par mètre carré. Celui dans nos enclos était de 26 kg/m², alors que les élevages conventionnels peuvent aller jusqu’à 42 kg/m², précise Frédérique Mocz. Nous pensons que les effets observés sont liés à l’accès à un environnement semi-ouvert, qui offre aux animaux des stimulations sensorielles supplémentaires. »
Parmi les facteurs favorables identifiés, l’exposition à l’air extérieur, aux variations de température, de luminosité et de type de litière, ou encore aux odeurs contribue à enrichir l’environnement des animaux. Les observations ont d’ailleurs montré que les poulets utilisaient davantage les jardins d’hiver en fin de matinée, période où ces espaces étaient exposés au soleil.
Une avancée pour le bien-être animal
Les chercheurs soulignent que la possibilité pour les animaux de choisir d’accéder ou non au jardin d’hiver pourrait également être un facteur de bien-être, même si cette hypothèse reste à confirmer. « La construction d’un jardin d’hiver représente un investissement important pour les éleveurs, mais notre étude démontre leur bénéfice pour le bien-être des poulets, en leur permettant d’exprimer davantage de comportements naturels et en préservant leur santé, sans diminuer la productivité. Ces résultats sont à confirmer en dehors des conditions expérimentales. », conclut Frédérique Mocz.
Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet Cocorico (COdesign COmpétitivité Recherche Innovation COsommateurs - Co-construire un système d’élevage de poulet conciliant prix et attentes sociétales). Ce projet était coordonné par l’Institut technique de l’aviculture (Itavi) et financé par le Compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural (Casdar), ainsi que le Centre européen de référence pour le bien-être animal des volailles et autres petits animaux d'élevage. Le projet a été mené de 2021 à 2024.