Deux doctorantes de l’Anses distinguées pour l’excellence de leurs présentations scientifiques
Antinéa Sallen, lauréate de la meilleure présentation orale
Quel est votre parcours ?
Après une classe préparatoire BCPST [biologie, chimie, physique et sciences de la Terre], j’ai intégré l’école d’ingénieur Agro Rennes, où je me suis spécialisée en protection des plantes et de l’environnement. Je suis actuellement en dernière année de thèse. Ma thèse est co-encadrée par d’une part Inov3PT, qui est le pôle recherche de la Fédération nationale des producteurs de plants de pomme de terre, et d’autre part l’unité Bactériologie, virologie et OGM du Laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses.
Quel est l’objectif de votre thèse ?
Je travaille sur Ralstonia solanacearum, une bactérie pathogène responsable de maladies chez de nombreuses plantes d’intérêt économique, comme la tomate et la pomme de terre, mais aussi l’aubergine et le poivron. Il s’agit d’une bactérie de quarantaine, c’est-à-dire que des mesures sont prises pour éviter son entrée sur le territoire. Présente en France depuis les années 1990, cette bactérie reste sous surveillance.
Depuis son introduction, des échantillons sont prélevés chaque année à des fins de surveillance et de recherche. Plus de 300 souches ont ainsi été collectées en France en presque 30 ans mais leur diversité génétique n’avait pas encore été étudiée. L’objectif de ma thèse était justement d’étudier la diversité génétique et génomique de la bactérie en France et dans le monde, évaluer le pouvoir pathogène des différentes souches et retracer ses routes d’invasion jusqu’en France. Nous avons évalué son pouvoir pathogène sur la pomme de terre dans les conditions actuelles mais aussi subtropicales, afin d’anticiper les conditions du réchauffement climatique. Ces connaissances permettront de mieux aider les filières confrontées à cette bactérie. Savoir si la bactérie évolue rapidement ou si certaines souches sont particulièrement virulentes permettra d’adapter les stratégies de lutte. Mieux connaître la génétique de cette bactérie aide à développer des outils de détection plus rapides et performants. Enfin, savoir comment elle est arrivée jusqu’en France malgré les mesures de contrôle permet d’identifier les possibilités de renforcement de ces mesures.
Quels sont les résultats ?
Nous avons développé un schéma de typage génétique rapide, basé sur la méthode MLVA [Multiple Loci VNTR Analysis], qui permet de discriminer rapidement les souches en groupes génétiques. Cet outil peut être utilisé par des laboratoires d’analyse pour obtenir rapidement un résultat. L’analyse génétique révèle que les souches françaises sont très peu diversifiées.
L’exploitation des données de séquençage génomique de certaines souches est encore en cours mais les premiers résultats ont déjà permis de dater les principales vagues de diversification de la bactérie. La première différenciation, entre les souches sud-américaines et celles présentes dans le reste du monde, a eu lieu autour du XVème siècle, et coïnciderait avec les premiers échanges transatlantiques. La seconde diversification importante des souches date de la fin du XIXème siècle - début du XXème. Cela fait suite à la révolution industrielle et à l’intensification des échanges internationaux. Il est probable que la bactérie ait été transportée avec les végétaux, ce qui a conduit à l’apparition de nouveaux groupes génétiques. Nous sommes encore en train d’étudier le pouvoir pathogène des différentes souches.
Roxanne Barosi, lauréate du meilleur poster scientifique
Quel est votre parcours ?
J’ai une licence en Écologie et biologie des organismes (EBO) et un master sur l’Émergence des maladies parasitaires et infectieuses (EPI), tous deux à l’Université de Montpellier 2. Après plusieurs expériences professionnelles dans le domaine de la santé animale et végétale, j’ai débuté une thèse co-encadrée par le Laboratoire de la rage et de la faune sauvage de Nancy à l’Anses, qui est Laboratoire national de référence pour Echinococcus spp., et par le Centre national de référence pour la toxoplasmose qui est hébergé à l’Université de Reims-Champagne-Ardenne.
Quel est l’objectif principal de votre thèse ?
Ma thèse vise à comprendre comment des parasites comme Echinococcus spp. et Toxoplasma gondii, responsables respectivement des échinococcoses alvéolaires et kystiques et de la toxoplasmose, peuvent être transmis à l’être humain par voie alimentaire, notamment via les salades et les baies.
Les échinococcoses et la toxoplasmose sont classées parmi les quatre maladies parasitaires d’origine alimentaire les plus importantes dans le monde selon l’OMS. Les parasites qui les provoquent ont des cycles parasitaires similaires : ils impliquent des carnivores domestiques et sauvages qui propagent via leurs fèces les formes libres de ces parasites (œufs ou oocystes) dans l’environnement. Ceux-ci contaminent le sol, l’eau et certains aliments, comme les salades et les baies. Ces parasites représentent un risque important notamment pour les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées.
Les objectifs de ma thèse se répartissent en quatre axes :
- Comprendre comment les stades libres des deux parasites se dispersent à l’échelle d’un potager à partir de fèces contaminées et quels sont les facteurs en jeu,
- Évaluer l’efficacité des méthodes de lavage à domicile et en milieu industriel pour décrocher les stades libres des parasites des salades,
- Comparer des méthodes afin de standardiser la détection des parasites dans les aliments,
- Évaluer des outils permettant de déterminer la viabilité des œufs d’Echinococcus isolés dans les aliments.
Quels résultats avez-vous obtenus jusqu’à présent ?
Nous avons démontré que laver les aliments à domicile permet certes de diminuer le nombre de parasites mais pas toujours de les éliminer complètement. Parmi les méthodes (bain ou rinçage) et les solutions testées (eau, vinaigre blanc et désinfectant alimentaire commercial), le lavage à l’eau semble le plus efficace. Ainsi, nous mettons en évidence un moyen de prévention simple contre les parasites sur les aliments. Ces données existaient pour les bactéries et les virus mais pas pour ces parasites alimentaires majeurs.
Les expérimentations menées en conditions naturelles ont montré une dispersion pluridirectionnelle des œufs et des oocystes à partir de fèces contaminées sur la majeure partie du sol des potagers en 30 jours. Cependant, la proportion de salades contaminées dans les potagers était faible et les charges parasitaires très faibles, malgré la proximité avec les fèces de maximum 90 cm.
Concernant Echinococcus spp., nous avons comparé deux méthodes de détection et de quantification des œufs, la stéréo-microscopie et la biologie moléculaire. Nous avons vu que le taux de détection par l’observation en stéréo-microscopie est très inférieur à celui par biologie moléculaire, surtout lorsqu’il y a seulement 1 à 5 œufs, comme c’est très majoritairement le cas sur les végétaux. L’utilisation de cette observation directe des œufs aboutit donc à une sous-estimation du taux de contamination des aliments, mais aussi du nombre d’œufs dans les échantillons contaminés. Ceci démontre que les techniques moléculaires sont à privilégier dans ce contexte.
Les autres axes sont toujours en cours, avec notamment la mise au point d’outils in vitro permettant d’estimer le taux de viabilité des œufs d’Echinococcus dans les aliments, une donnée cruciale pour l’évaluation du risque alimentaire mais encore jamais mesurée à ce jour.