10/12/2025
Recherche
3 min

Épidémie de rouille du pin : des pivoines à l’origine de la contamination

La transmission d’agents pathogènes entre espèces végétales peut avoir des conséquences sanitaires et économiques importantes. C’est ainsi que l’Anses est intervenue pour confirmer qu’une épidémie de rouille chez des pins dans les Landes était liée à la culture de pivoines à proximité. Les mesures prises en concertation avec les exploitants ont permis de préserver les nouvelles plantations de pins.

La rouille vésiculeuse du pin est une maladie provoquée par un champignon qui affecte sporadiquement plusieurs espèces de pins en France, particulièrement le pin maritime et le pin sylvestre. En 2019, une épidémie d’une ampleur inédite est survenue dans la forêt des Landes. Afin d’identifier son origine, le Département de la santé des forêts du ministère en charge de l’agriculture a sollicité le laboratoire de santé des végétaux de l’Anses. 

Deux hôtes végétaux différents

Chez les pins, la maladie se manifeste par l’apparition de pustules orangées et un roussissement des aiguilles. Elle peut entraîner la mort des arbres, surtout chez les jeunes plants. La zone affectée par l’épidémie de 2019 s’étendait sur 800 hectares de pins maritimes, causant des pertes économiques importantes. 

Un lien a été rapidement suspecté avec une culture de pivoines implantée au milieu des pins quelques années auparavant. « Le champignon Cronartium pini, responsable de la maladie, infecte la plupart du temps deux espèces d’hôtes successivement au cours de sa vie, explique Renaud Ioos, chef de l’unité de mycologie au laboratoire de Santé des végétaux. On sait que de nombreuses espèces peuvent servir de premier hôte, dont les pivoines. Ce premier hôte lui permet de se reproduire de façon sexuée, puis le champignon affecte un second hôte, dans le cas de cette épidémie, le pin. » 

L’Anses a analysé des prélèvements faits sur les pins et les pivoines par le Département de la santé des forêts. La première étape a été de confirmer que le pathogène responsable était bien Cronartium pini. En effet, d’autres champignons qui provoquent des symptômes similaires sont classés comme organismes de quarantaine : non présents sur le territoire national, ils font l’objet d’un plan de lutte officiel en cas de détection. 

Des champignons génétiquement identiques

Les scientifiques ont ensuite comparé le génome des champignons retrouvés sur les pivoines avec celui des champignons affectant les pins. Pendant trois ans, 630 échantillons ont été analysés. Les populations de champignons prélevées sur les pivoines et sur les pins à proximité étaient génétiquement identiques. Elles étaient en revanche différentes de celles prélevées sur des pins dans d’autres départements. Par ailleurs, la fréquence des arbres infectés et leur mortalité, très importantes dans un rayon de huit kilomètres autour du champ de pivoines, diminuaient ensuite, confirmant l’importance déterminante de ces dernières sur la maladie. 

Les scientifiques ont également vérifié que la forme du champignon majoritairement présente ne pouvait pas se transmettre directement entre pins. Il existe en effet une forme plus rare qui n’a pas besoin d’hôte alternatif pour se propager.

Ces éléments ont confirmé que l’épidémie avait été initiée par l’implantation des pivoines. À la suite d’un dialogue avec les exploitants, les pivoines ont été totalement retirées en 2023. Depuis, l’incidence de la maladie a diminué et aucun cas n’a été signalé en 2025. « Le champignon sera toujours présent dans l’environnement car de nombreuses herbacées dans le milieu naturel peuvent lui servir d’hôte, conclut Renaud Ioos, mais comme celles-ci sont moins abondantes que le champ de pivoines, l’impact sur les pins est désormais limité. »

Crédit photo : Emmanuel Kersaudy, DSF