SUM’EAU : quatre ans de surveillance du Covid 19 dans les eaux usées
Bien que la pandémie de Covid-19 soit officiellement terminée, le virus SARS-CoV-2 continue de circuler dans la population française, comme le montrent les données recueillies par le réseau SUM’EAU (Surveillance microbiologique des eaux usées). Ce réseau a été mis en place en septembre 2021 par la direction générale de la Santé et la direction de l’Eau et de la biodiversité pour suivre indirectement la progression du SARS-CoV-2 dans la population. Il associe deux agences sanitaires aux compétences complémentaires : Santé publique France et l’Anses.
Santé publique France gère aujourd’hui le traitement statistique des données provenant des 54 stations de traitement des eaux usées (STEU) du réseau SUM’EAU, ainsi que la production, l'interprétation et la communication des indicateurs épidémiologiques. À l’Anses, le laboratoire d’Hydrologie de Nancy a été désigné en septembre 2021 laboratoire national de référence (LNR) sur le SARS-CoV-2 dans les eaux usées et les boues de stations d’épuration. Le LNR développe et valide des méthodes de détection du virus dans les eaux usées. Il apporte un soutien à la Direction générale de la santé et à Santé publique France sur des aspects techniques, ainsi qu’aux laboratoires d’analyses sélectionnées pour détecter ce pathogène dans les eaux usées qui constituent le réseau SUM’EAU.
Les deux partenaires ont présenté les étapes de la mise en place du réseau depuis sa création et les résultats obtenus dans un article scientifique publié en janvier 2025 dans la revue Microorganisms.
Le réseau a débuté avec des prélèvements dans 12 STEU de grandes agglomérations réparties sur le territoire pour tester les méthodes d’analyse, l’organisation du dispositif et la construction des indicateurs.
Depuis février 2024, le suivi a été étendu à 54 STEU réparties sur tout le territoire français pour améliorer le taux de couverture de la population suivie. Chaque semaine, les eaux usées sont collectées à l’entrée des stations, échantillonnées puis envoyées aux quatre laboratoires d’analyses du réseau SUM’EAU afin d’être analysées rapidement. La recherche des particules virales de SARS CoV-2 est effectuée à l’aide de méthodes moléculaires de détection et de quantification de différents gènes cibles.
Anticiper les vagues de circulation du virus et préparer les services de santé
Ainsi, depuis la saison hivernale 2023-2024, les données provenant des eaux usées collectées dans le cadre de SUM’EAU contribuent à la surveillance intégrée des infections respiratoires aigües, coordonnée par Santé publique France au niveau national et régional, en complément des données de passages aux urgences, des données de médecine de ville et des données de la surveillance virologique des laboratoires d’analyse médicales en ville et à l’hôpital.
Depuis le début des activités du réseau, sept pics de circulation du virus ont été enregistrés en France. « L’augmentation de la détection du SARS-CoV-2 dans les eaux usées peut précéder de plusieurs jours l’augmentation des consultations aux urgences pour Covid, explique Christophe Cordevant, conseiller scientifique Microbiologie et maladies infectieuses émergentes à l’Anses. La détection du virus dans les eaux usées permet donc d’anticiper les vagues épidémiques et de mobiliser le matériel et le personnel nécessaires. Elle permet également de suivre l’évolution de la circulation du virus, même lorsque les personnes porteuses du virus ne consultent pas de médecin. ».
Les indicateurs issus du réseau SUM’EAU sont publiés chaque semaine par Santé publique France dans le bulletin des infections respiratoires aiguës national et dans les points épidémiologiques régionaux. Les données sont également déposées sur data.gouv.fr
Vers une harmonisation européenne
Le laboratoire d’Hydrologie de l’Anses à Nancy continue de suivre les 12 stations pilotes de référence afin de s’assurer de la qualité des résultats rendus par les laboratoires. Il organise également chaque année des essais inter-laboratoires pour évaluer la performance des laboratoires impliqués dans cette surveillance. En novembre 2024, un essai inter-laboratoire à l’échelle européenne a permis de tester les capacités de détection de différents laboratoires nationaux de référence sur le SARS-CoV-2 dans les eaux usées, avec la participation d’un grand nombre d’acteurs européens.
L’Anses et Santé publique France font par ailleurs partie du consortium européen EU-Wish (Wastewater Integrated Surveillance for Public Health), une action conjointe cofinancée par le programme de santé de l’Union européenne « EU4Health » et qui a démarré en novembre 2023 pour 3 ans . Celui-ci vise à améliorer les capacités de surveillance des eaux usées, à harmoniser les pratiques de détection et à définir de nouvelles cibles d’analyse communes. Plus largement, les enseignements de ce projet permettront de faciliter la transposition en France de la directive européenne sur les eaux usées, dont la révision finalisée en 2024 introduit les principes de surveillance de l’évolution de pandémies, et de préparer l’intégration des indicateurs au niveau européen par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
Fort du succès du réseau SUM’EAU, il est désormais envisagé d’étendre la surveillance à d’autres pathogènes comme par exemple les autres virus responsables des infections virales respiratoires à l'origine d'épidémies saisonnières (grippe, bronchiolite).
Détection du virus de la rougeole : une méthode innovante développée pour le réseau SUM’EAU
Alors que les cas de rougeole ont quadruplé en France entre 2023 et 2024, l’Anses, Santé publique France et le Centre national de référence (CNR) pour la rougeole (CHU de Caen) ont développé une méthode pour détecter ce virus dans les eaux usées.
Testée par le laboratoire national de référence sur des échantillons prélevés par le réseau SUM’EAU, cette méthode repose sur la PCR digitale. Elle permet de détecter le virus dans les eaux usées même lorsque sa concentration est faible et de distinguer les virus sauvages de ceux atténués, qui peuvent être excrétés dans les urines suite à une vaccination.
Cette méthode pourrait venir en appui de la surveillance des cas cliniques (la rougeole est une maladies à déclaration obligatoire), afin d’améliorer la détection d’une faible circulation dans une zone à risque ou de suivre les tendances lors d’une vague épidémique. Un usage permanent n’est en revanche pas envisagé, compte tenu de la faible fréquence actuelle de la rougeole à l’échelle nationale.