
50 ans du Laboratoire de Fougères
Implanté dans une région d’élevage au cœur de la Bretagne depuis 1975, les missions du Laboratoire de Fougères ont évolué pour se spécialiser dans les risques liés aux médicaments vétérinaires et aux contaminants chimiques dans les aliments. Présentation du Laboratoire avec Tahar Ait Ali, son directeur.
Dans quel contexte le Laboratoire de Fougères a-t-il été créé et comment a-t-il évolué ?
Tahar Ait Ali : La décision de créer un laboratoire à Fougères a été prise en 1973, alors que l’application de la loi relative à la pharmacie vétérinaire rendait obligatoire la soumission de demande d’autorisation de mise sur le marché pour tous les médicaments vétérinaires. À l’origine, le laboratoire se nommait « Laboratoire national des médicaments vétérinaires ». Il a débuté son activité en 1975. En plus d’instruire les dossiers de milliers de médicaments vétérinaires, le Laboratoire a alors acquis une expertise dans l’analyse de résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments, en particulier dans le lait. Cette expertise l’a conduit à être nommé laboratoire de référence pour le contrôle des résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments, au niveau national en 1990 puis au niveau européen en 1991.
Du fait de l’extension des missions liées à l’autorisation des médicaments vétérinaires, une entité dédiée, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), a été créée en 1994 sur le même site de Fougères. Cette dernière a repris en charge les autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires, tandis que le Laboratoire a conservé les activités d’études, de contrôle et de recherche sur ces médicaments et de leurs résidus. L’ANMV et le Laboratoire national des médicaments vétérinaires étaient tous les deux rattachés au Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (Cneva), qui deviendra plus tard l’Anses.
Quelles sont les missions actuelles du Laboratoire ?
Tahar Ait Ali : Le Laboratoire de Fougères étudie les bénéfices et les risques associés à l’utilisation des médicaments vétérinaires et des désinfectants dans la filière agro-alimentaire. Il a conservé sa mission historique sur le dépistage des résidus de médicaments vétérinaires dans les denrées d'origine animale. Il étudie également l’efficacité des antibiotiques et des désinfectants contre les microorganismes. Depuis la fin des années 1990, il mène des actions sur l’étude et la surveillance de la résistance des bactéries d’origine animale aux antibiotiques et aux désinfectants, en partenariat avec les laboratoires de l’Anses de Lyon et de Ploufragan-Plouzané-Niort. Il est ainsi laboratoire national de référence sur la résistance antimicrobienne. Il évalue également les dangers toxicologiques des contaminants chimiques dans les aliments, notamment en développant des tests sur les effets de ces contaminants in vitro et in vivo.
Quelles sont les perspectives du Laboratoire ?
Tahar Ait Ali : Dans une perspective One Heath (Une seule santé), nous projetons de développer de nouveaux outils adaptés à l’étude de l’exposome, qui englobe la totalité des expositions chimiques auxquelles l’être humain est soumis tout au long de sa vie. Pour cela, nous avons en particulier l’ambition de développer des approches non-ciblées capables d’identifier dans les aliments des substances chimiques non recherchées spécifiquement, pour être proactifs en cas d’émergence de risques nouveaux.
Un autre aspect sur lequel nous travaillons déjà mais que nous souhaitons développer est le recours aux cultures cellulaires pour tester les effets des substances chimiques, en remplacement de l’expérimentation animale. Nous projetons notamment de développer l’utilisation des organoïdes, sortes de mini-organes créés spécifiquement pour cet usage et qui miment le fonctionnement complexe d’un organisme vivant.
Un autre enjeu est l’exploitation des données massives. Le développement de l’intelligence artificielle est une opportunité qui devrait faciliter l’analyse et l’exploitation des données. Nous avons pour ambition d’exploiter les données massives notamment pour développer les modélisations « in silico », c’est-à-dire sur ordinateur. Alors qu’actuellement il est possible de modéliser le devenir d’une seule molécule dans l’organisme, notre objectif est de le faire simultanément pour un ensemble de molécules.
Enfin, le changement climatique pourrait avoir pour effet de modifier les concentrations des métabolites, les molécules issues du métabolisme, dans le corps humain. Nous devrons mieux prendre en compte ces modifications dans nos travaux. Ces perspectives sont possibles grâce aux compétences de haut niveau des scientifiques du Laboratoire de Fougères, à la qualité des technologies dont nous avons pu nous doter avec l’aide de la Région Bretagne et aux méthodologies que nous employons.