Un modèle de collaboration “Une seule santé” face au virus West-Nile
03/11/2025
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Un modèle de collaboration “Une seule santé” face au virus West-Nile

Lors de l’émergence du virus West-Nile en Nouvelle Aquitaine en 2022-2023, des scientifiques de l’Anses, du CHU de Bordeaux, de la Direction départementale de la protection des populations de la Gironde et de l’Inserm se sont associés pour évaluer le niveau de risque dans la région. Dans une publication parue en mai 2025 dans la revue Open Forum Infectious Diseases, ils décrivent comment la mobilisation rapide des acteurs locaux de la santé humaine, de la santé animale et en environnement a permis de mettre en place rapidement des mesures de prévention.

« En octobre 2022, la Direction de la protection des populations de la Gironde nous a contactés suite à la détection d’infections récentes par le virus West-Nile chez trois chevaux dans le département » raconte Gaëlle Gonzalez, responsable du Laboratoire national de référence sur l’encéphalite West-Nile, porté par le laboratoire de santé animale de l’Anses. « C’était la première fois que le virus était détecté en France en dehors des régions méditerranéennes. »

Le virus West-Nile, aussi appelé virus du Nil occidental, est transmis par des moustiques du genre Culex. Il infecte principalement les oiseaux mais peut aussi toucher les humains et les chevaux. Dans 80 % des cas, les humains et chevaux infectés ne présentent aucun symptôme. Dans 20 % des cas, des symptômes pseudo-grippaux peuvent survenir et, dans 1 % des cas, une forme neurologique potentiellement mortelle peut se développer.

Une mobilisation pluridisciplinaire inédite

À la suite de l’alerte, un réseau d’acteurs locaux a été constitué, réunissant professionnels de la santé humaine, de la santé animale et de l’environnement. Grâce à l'implication d’une vétérinaire spécialisée en médecine équine, 500 prélèvements ont été réalisés dans des écuries entre mars et avril 2023. « Nous avons ciblé la zone autour des premiers cas détectés, mais aussi plus en amont de la Gironde et au niveau de l’estuaire, là où le risque lié aux moustiques était potentiellement plus élevé. Les analyses ont révélé la présence du virus chez plusieurs chevaux, tous asymptomatiques, non seulement à proximité des trois premiers cas mais également plus au nord du département, près de la Charente-Maritime », précise Gaëlle Gonzalez. Des pièges à moustiques ont également été installés dans ces mêmes zones. Les résultats ont montré que 75 % des moustiques capturés étaient porteurs du virus. Un autre virus proche du West-Nile, le virus Usutu, qui est transmis de manière similaire, a également été détecté.

Des mesures de prévention renforcées pour protéger la population

Ces signaux d’alerte précoces ont permis au Haut Conseil de la santé publique de mettre en place des mesures de prévention dès juillet,avant la détection du premier cas humain en Charente-Maritime. L’une des principales mesures a été l’extension de la recherche de présence de génome du virus dans les poches de sang destinées à la transfusion par l’Établissement français du sang. Jusqu’alors, cette mesure n’était systématiquement appliquée que dans les régions méditerranéennes suite au diagnostic d’un cas humain symptomatique. Elle a été étendue à la Gironde et à la Charente-Maritime. Contrairement aux infections par piqûre de moustique, la transmission du virus West Nile par transfusion sanguine provoque fréquemment des formes neurologiques graves, dans 70 % des cas.

En parallèle, les professionnels de santé animale et humaine locaux, mais aussi les chasseurs, des membres de la Ligue pour la Protection des Oiseaux et des agents de l’Office français de la biodiversité, ont été sensibilisés pour reconnaître les signes cliniques de la maladie et participer à sa surveillance. L’Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine, Santé publique France, ainsi que le Conseil régional et Bordeaux Métropole ont contribué à cette sensibilisation des professionnels et du grand public.

« C’est la première fois que nous constituons un tel réseau pluridisciplinaire en France autour du virus West Nile. Notre approche One Health, construite en lien avec les décideurs locaux, a permis d’anticiper les risques pour la population. Nous souhaitons désormais la transposer à d’autres régions en l’adaptant aux spécificités de chaque territoire. C’est l'enjeu du projet Instead en cours. Nos recherches pourraient aboutir à des recommandations pour mieux prévenir et réagir face aux épidémies émergentes », conclut Gaëlle Gonzalez. Cette collaboration pluridisciplinaire apparaît d’autant plus essentielle que le virus continue de circuler en France : deux premiers cas humains ont notamment été confirmés en Ile-de-France en août dernier.