25/06/2018

Le travail de nuit et les risques pour la santé

Évaluation des risques sanitaires liés aux horaires de travail atypiques

L’évolution de l’organisation du travail conduit  aujourd’hui un nombre de plus en plus important de Français à travailler de nuit. Dans son rapport publié en juin 2016, l’Anses confirme l’impact de ces horaires « atypiques » de travail sur la santé des travailleurs. Elle souligne les effets avérés de ces horaires sur la survenue de troubles du sommeil ainsi que les effets probables sur l’apparition de cancers et de certaines pathologies cardiovasculaires et également des répercutions sur santé psychique du travailleur. L’Anses recommande donc de limiter le recours au travail de nuit. Elle préconise également de mieux l’encadrer et d’optimiser son organisation afin d’en minimiser les impacts. 

Nos modes de travail évoluent, engendrant des horaires et rythmes dits « atypiques », c’est-à-dire des aménagements du temps de travail en dehors de la semaine standard de cinq jours entre 5h00 et 23h00. Les formes d’horaires atypiques  les plus répandues sont:

  • le travail de nuit, (sur horaires fixes et alternants) ;
  • le travail posté, lorsque les salariés forment des équipes différentes qui se succèdent sur un même poste de travail sans jamais se chevaucher ;
  • le travail de fin de semaine.

Deux fois plus de travailleurs de nuit en 20 ans

En 2012, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du Ministère du Travail, 3,5 millions de personnes travaillaient la nuit, habituellement ou occasionnellement, ce qui représentait 15,4 % des salariés, soit plus d’un français sur sept. La dernière étude de la Dares, publiée en 2014, révélait une augmentation importante du nombre de travailleurs de nuit qui a presque doublé en vingt ans.

Selon le Code du travail, le recours au travail de nuit doit rester exceptionnel et prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il doit également être justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale, tels que les services de santé par exemple.

Les travailleurs de nuit sont en majorité des hommes trentenaires, mais de plus en plus de femmes sont concernées, en particulier celles de moins de trente ans.

30 %  des travailleurs de nuits sont des salariés de la fonction publique, par exemple les policiers et militaires.42 % sont des salariés ou des intérimaires du secteur privé, comme les conducteurs de véhicules et les ouvriers qualifiés.

Les travailleurs de nuit sont exposés à des conditions de travail plus difficiles et soumis à des perturbations des rythmes biologiques, sociaux et familiaux, pouvant conduire à des répercussions sur leur état de santé.

Un impact confirmé sur la santé des travailleurs de nuit

En 2007, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a étudié le risque de cancer lié aux organisations de travail atypiques et a classé la perturbation des rythmes induites par le travail de nuit en cancérogène probable. Dans ce contexte, l’Anses a été saisie par la Confédération des travailleurs chrétiens (CFTC) afin d’évaluer les risques sanitaires pour les professionnels exposés à des horaires atypiques. En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en 2012 des recommandations de bonnes pratiques pour la surveillance des travailleurs postés et/ou de nuit.                     

L’Anses a évalué l’impact du travail de nuit sur la santé des individus selon une méthode spécifique de classement par niveau de preuve scientifique des effets. De façon inédite, les travaux ont porté également sur les aspects socio-économiques et montrent l’importance de prendre en compte l’impact sur la vie sociale et familiale..

Les résultats de l’expertise mettent en évidence trois niveaux d’effets du travail de nuit sur la santé :

  • des effets avérés : sur le sommeil, la somnolence et le syndrome métabolique ;
  • des effets probables : sur la survenue de cancer (cancer du sein et de la prostate), la santé psychique (irritabilité, anxiété, dépression), les performances cognitives, l’obésité et la prise de poids, le diabète de type 2 et les maladies coronariennes (ischémie coronaire et infarctus du myocarde) ;
  • des effets possibles : sur les dyslipidémies (concentrations trop élevées de certains lipides dans le sang), l’hypertension artérielle et l’accident vasculaire cérébral ischémique.

De plus, les enquêtes sur les conditions de travail indiquent généralement des facteurs de pénibilité physique et des contraintes plus présents dans le cadre du travail de nuit. Les travailleurs de nuit sont également plus exposés aux risques d’accidents du travail.

L’importance de l’impact social du travail de nuit

Il est important de préciser que ces effets sur la santé peuvent être amplifiés ou minimisés par un certain nombre d’autres facteurs individuels, sociaux et familiaux, ainsi que par la situation de travail.

Le travail de nuit peut également avoir des répercussions sur la vie sociale et familiale qui se traduisent par des difficultés à organiser des rencontres amicales ou accéder aux activités culturelles, sportives ou associatives, mais également par des déséquilibres dans le fonctionnement familial et une altération des relations conjugales.

Mieux encadrer, évaluer, optimiser l’organisation du travail de nuit

Dans ses recommandations, l’Anses rappelle le principe premier de suppression des dangers auxquels sont exposés les travailleurs dans le cadre de la prévention des risques du Code du travail.

Ainsi, l’Agence recommande de limiter le recours au travail de nuit aux seules situations nécessitant d’assurer les services d’utilité sociales ou la continuité de l’activité économique.

Par ailleurs, l’Agence recommande :

  • d’évaluer l’adaptation du cadre réglementaire en vigueur à la protection de la santé des travailleurs de nuit et de le faire évoluer, le cas échéant, en considérant la dimension européenne ;             
  • de réaliser un état des lieux des pratiques de terrain visant à protéger la santé des travailleurs de nuit (durée maximale quotidienne de travail, temps de pause, repos quotidien minimal, repos compensateur ou encore suivi médical, …) ;
  • d’évaluer l’impact sanitaire des effets du travail de nuit (nombre de cas pour chaque pathologie potentielle dans la population des travailleurs) ;
  • d’évaluer les coûts sociaux associés au recours au travail de nuit (arrêts de travail, maladie professionnelle, absentéisme, etc.) qui pourraient être mis en regard des bénéfices potentiels.

De plus, l’Agence préconise l’optimisation des modes d’organisation du travail de nuit, afin de minimiser les impacts sur la vie professionnelle et personnelle. Il s’agit en particulier de favoriser tout ce qui peut réduire la désynchronisation et la dette de sommeil. À ce titre, l’Anses rappelle que des recommandations organisationnelles précises, qui ne font pas toutes à ce jour l’objet d’un consensus scientifique, doivent être étudiées collectivement dans les instances de dialogue social appropriées.

Le saviez-vous ?

Sur le plan physiologique, lors d’un travail de nuit, il se produit une désynchronisation entre les rythmes circadiens (notre horloge interne) calés sur un horaire de jour et le nouveau cycle activité-repos/veille-sommeil imposé par le travail de nuit.

Cette désynchronisation est aussi favorisée par des conditions environnementales peu propices au sommeil de jour : la lumière, la température plus élevée, le niveau de bruit plus élevé, le rythme social et les obligations familiales.