Algues Vertes
06/09/2011 4 min

Mortalité de sangliers en Bretagne : l'hypothèse H2S est hautement probable

Suite à la découverte de cadavres d'animaux sauvages dans l'estuaire du Gouessant, l'Anses a été saisie par le ministère chargé de l'agriculture pour déterminer les causes de leur mort. Au regard de l'ensemble des données disponibles, l'hypothèse d'une intoxication par le sulfure d'hydrogène (H2S) est la plus probable, sans pouvoir néanmoins affirmer qu'il s'agit du seul facteur contributif de la mortalité massive. L'Anses recommande des travaux complémentaires et souligne que les enjeux sanitaires associés à la décomposition d'algues vertes et à la production d' H2S dans les vasières devraient également conduire à explorer les émissions gazeuses des fonds d'estuaires et des lits de certaines rivières.

Depuis plusieurs années prolifèrent sur quelques grèves bretonnes des algues vertes qui, lorsqu'elles s'accumulent sur les plages, provoquent par leur putréfaction d'importantes émanations de divers composés gazeux dont le sulfure d'hydrogène (H2S). Ces émanations, compte tenu de leur toxicité, soulèvent un problème sanitaire qui a conduit le gouvernement à l'adoption, en février 2010, d'un plan de lutte quinquennal contre les algues vertes. Dans ce cadre, l'Anses a rendu en juillet 2011 un avis et un rapport d'expertise relatifs aux risques liés aux émissions gazeuses des algues vertes pour la santé des populations avoisinantes, des promeneurs et des travailleurs.

Dans ce contexte, en juillet et août 2011, des cadavres d'animaux sauvages (trente-six sangliers, trois ragondins et un blaireau) ont été découverts sur la plage de Morieux et sur les berges de l'estuaire de la rivière du Gouessant (22). Des examens ont été réalisés sur ces animaux ainsi que dans le milieu environnant.

Au vu des résultats, l'Anses a été saisie par la Direction générale de l'alimentation d'une demande d'avis relatif à la toxicité du sulfure d'hydrogène chez l'animal et au lien possible entre la présence d' H2S sur le site et la mort des animaux. Pour analyser les éléments disponibles, l'Anses a mis en place, en urgence, un groupe d'expertise collective rassemblant des spécialistes en toxicologie, en faune sauvage, en pathologie animale, en techniques de laboratoire et en environnement, après analyse de leur déclaration publique d'intérêt.

Les éléments d'autopsie laissent à penser que les sangliers s'étaient approchés de l'estuaire du Gouessant pour s'abreuver, après une prise alimentaire. Par ailleurs, les éléments de contexte et la mortalité massive et brutale de la quasi-totalité de la compagnie de sangliers en un lieu restreint, sont fortement évocateurs d'une intoxication aigüe des animaux concernés. Plusieurs causes d'intoxication aigüe ont été discutées puis exclues lorsque les résultats d'analyses et/ou d'autopsie le permettaient. Les comptes-rendus d'autopsie révèlent un œdème pulmonaire pour seize sangliers sur vingt-deux et pour chacun des trois ragondins. En outre, il a été constaté pour certains animaux, une corrélation du tableau lésionnel avec des concentrations en H2S significatives relevées sur les échantillons de poumons. Ces éléments ainsi que l'absence d'autres lésions caractéristiques plaident pour une exposition aérienne à l' H2S, à des concentrations suffisantes pour immobiliser les animaux.

Il est à noter que la majorité des cadavres a été collectée dans la zone de l'estuaire et non sur la plage. Les faibles coefficients de marée enregistrés durant la période de mortalité ne sont pas en faveur d'une hypothèse de déplacement des cadavres de la plage vers l'estuaire. Les émissions gazeuses des larges vasières de l'estuaire ont été ponctuellement mesurées au mois d'août 2011, postérieurement à l'évènement sanitaire, révélant des concentrations en H2S non négligeables, mais sans atteindre des valeurs létales. Compte tenu de la variabilité d'émission des gaz par la vase liée à de multiples facteurs et du caractère ponctuel des prélèvements réalisés, il n'est pas possible d'exclure la possibilité de concentrations plus élevées que celles qui ont été relevées au moment des mesures. Ainsi, les animaux retrouvés morts ont pu être exposés à des concentrations en H2S contribuant aux lésions et à leur décès, sans pouvoir néanmoins affirmer qu'il s'agit du seul facteur contributif de la mortalité massive. La présence de vase dans l'appareil respiratoire supérieur de la plupart des animaux évoque l'hypothèse d'un étouffement dans la vase, consécutif à une immobilisation des animaux.

Afin de conclure plus formellement sur cette hypothèse, l'Anses recommande que des travaux complémentaires soient réalisés, dont la recherche de cyanotoxines sur les prélèvements conservatoires des tissus animaux.

L'Agence souligne que les enjeux sanitaires associés à la décomposition d'algues vertes, jusqu'à présent documentés pour les plages et ayant donné lieu à des mesures de gestion, pourraient également, le cas échéant, concerner les vasières, les fonds d'estuaires et les lits de certaines rivières ; cette hypothèse restant à explorer.