L'OQEI vise à collecter des données fiables, cohérentes et comparables sur la qualité de l'air et des environnements intérieurs, publics ou privés, et d’en organiser la meilleure exploitation afin d'identifier les risques pour la santé et proposer des solutions efficaces pour les atténuer. Dans le cadre de la CNL2, soutenue par la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), la Direction générale de la santé (DGS), la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), l’Agence de la transition écologique (ADEME) et Santé publique France, le CSTB a réalisé l’étude PESTILOGE financée spécifiquement par le dispositif de phytopharmacovigilance de l’Anses.
Mieux connaître les expositions aux pesticides dans les logements
Les pesticides englobent les produits phytopharmaceutiques, destinés à protéger les végétaux et les produits de culture, les produits biocides, destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles et les antiparasitaires vétérinaires et humains.
Visant à prévenir, contrôler ou lutter contre des organismes vivants jugés indésirables (microorganismes, insectes, “mauvaises herbes”...), ces produits doivent satisfaire à des critères précis de sécurité sanitaire avant leur commercialisation et être utilisés selon des conditions d’emploi strictes pour limiter les effets indésirables sur la santé humaine et l’environnement. Détecter leur présence et mesurer leur niveau de concentration dans les lieux de vie est fondamental pour évaluer les expositions.
Plusieurs travaux se sont précédemment intéressés à cette thématique, mais jamais à l’échelle de PESTILOGE, première étude nationale sur la mesure des pesticides dans l'air et les poussières des logements, avec un grand nombre de substances actives recherchées.
PESTILOGE, un périmètre de recherche unique en France
Intégrée à la CNL2, l’étude PESTILOGE a été menée entre novembre 2020 et février 2023, couvrant toutes les saisons.
Dans ce cadre :
571 logements ont été enquêtés, répartis dans 321 communes et 84 départements (France hexagonale continentale) ;
81 pesticides ont été recherchés dans l’air et 92 dans les poussières.
L’ensemble de ces pesticides cibles a été sélectionné à partir de travaux de hiérarchisation menés par l’Anses, en tenant compte de critères sanitaires et de la faisabilité métrologique.
Les principaux enseignements
S’agissant des pesticides présents dans l’air des logements
Plus de la moitié des pesticides cibles n’ont pas ou très peu été détectés dans l’air des logements enquêtés :
En revanche, certains composés ont très souvent été identifiés :
Ces pesticides, tout comme un autre insecticide (la perméthrine), ont été quantifiés dans plus de la moitié des logements ;
Le folpel, un fongicide utilisé dans des produits à usage phytopharmaceutique et traitement biocide, a été détecté dans plus de 60 % des logements ;
Le chlorprophame, herbicide principalement utilisé pour ses propriétés antigerminatives, a été détecté dans 70 % des logements.
Pour le lindane et la perméthrine, des concentrations généralement plus élevées que dans l’air extérieur ont été observées dans les logements.
Enfin, au-delà de ces occurrences de détection dans l’air, certains pesticides ont été mesurés à un niveau de concentration supérieur à 10 ng/m3. Ce niveau est par exemple atteint dans 5 % des logements pour le DEET, l’icaridine ou le lindane. Toutefois, en l’absence de valeurs de référence ou de seuils réglementaires, il n’est pas possible de dire si l’exposition à ces concentrations représente ou non un risque pour la santé des occupants.
S’agissant des pesticides présents dans les poussières des logements
Les pesticides cibles ont été plus souvent détectés dans les poussières que dans l’air des logements. Seuls 30 % des pesticides recherchés n’ont pas ou très peu été détectés :
5 pesticides n’ont jamais été détectés : le brodifacoum, le dichlorvos, le fénarimol, la flumétraline et le triallate ;
22 pesticides ne sont que très rarement détectés (dans moins de 5 % des logements).
En revanche :
13 pesticides ont été détectés dans les poussières de plus de 90 % des logements :
5 fongicides : le boscalid, le dicloran, le difénoconazole, le propiconazole, et le tébuconazole ;
4 insecticides : l’acétamipride, la cyperméthrine, l’imidaclopride, et la perméthrine ;
2 herbicides : le glyphosate et le terbutryne ;
2 répulsifs d’insecte : le DEET et l’icaridine.
4 autres substances ont été quantifiées dans plus de 50 % des logements : le fipronil, le lindane, le pyriproxyfène et la transfluthrine.
Là encore, la concentration de certains pesticides dans les poussières des logements peut atteindre 100, voire 1000 ng/g. C’est le cas pour :
4 pesticides présentant une concentration supérieure à 100 ng/g pour la moitié des logements : le glyphosate, la perméthrine et le butoxyde de pipéronyle (PBO), voire supérieure à 1 000 ng/g s’agissant de la perméthrine ;
8 pesticides présentant une concentration dépassant 1 000 ng/g dans au moins 5 % des logements : la perméthrine, l’imidaclopride, le glyphosate, la cyperméthrine, le PBO, le fipronil, l’icaridine et le pyriproxyfène.
Comme pour le volet des mesures dans l’air cependant, il n’existe pas aujourd’hui de valeurs de référence permettant de savoir si ces niveaux représentent un risque pour la santé des occupants.
Par ailleurs, l’étude PESTILOGE montre que la proximité d’une zone de culture et l’usage de produits pesticides à l’extérieur sont associés à une teneur en général plus importante de glyphosate dans les poussières. De même, l’usage de produits pesticides à l’intérieur est lui associé à une teneur en général plus importante de fipronil et de perméthrine dans les poussières.
Ce que l’on peut retenir
De nombreux pesticides ont été détectés dans l’air et les poussières des logements, alors même que certains font l’objet d’une restriction, voire d’une interdiction d’usage depuis plusieurs années. Cela témoigne de leur persistance dans les milieux après utilisation, en particulier au sein des environnements intérieurs.
Un nettoyage régulier des surfaces et l’aspiration des poussières restent parmi les meilleurs outils pour limiter la persistance de ces substances dans le logement. Une vigilance doit être maintenue quant à la présence de vieux meubles ou charpentes en bois qui ont pu être traités par des produits biocides aujourd’hui interdits d’usage. De même, l’utilisation de vieux stocks de produits phytopharmaceutiques ou biocides n’est pas recommandée.
Et demain, quelles pistes d’exploitation pour ces données ?
Les données issues de l’étude PESTILOGE, couplées à celles de la campagne CNL2, offrent un éclairage unique sur la contamination en pesticides dans l’air et les poussières des logements français. Ce sont des ressources scientifiques essentielles pour alimenter la connaissance et la maîtrise des expositions, en appui à la prévention des risques en matière de santé publique.
Ainsi, par exemple, l’Anses exploite d’ores et déjà ces données dans le cadre de travaux sur le développement de valeurs sanitaires de référence, pour les expositions par inhalation, et d’une approche plus intégrée de l’évaluation des risques sanitaires liés aux pesticides en considérant différentes sources et voies d’exposition. Elles pourront également contribuer à proposer des évolutions réglementaires.