10/04/2024
Expertise
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Le triphénylphosphate, un perturbateur endocrinien pour les espèces de l’environnement

Le triphénylphosphate est une substance utilisée comme retardateur de flamme et/ou plastifiant dans de nombreux matériaux et équipements. Au vu de ses propriétés de perturbation endocrinienne pour des espèces de l’environnement, identifiées notamment sur les poissons, l’Agence propose d’identifier le triphénylphosphate comme substance extrêmement préoccupante, au sens du règlement européen REACH. Cela vise à mieux encadrer les utilisations de cette substance chimique sur le continent européen. Cette proposition de l’Anses est en consultation publique sur le site de l’ECHA, Agence européenne des produits chimiques, jusqu’au 15 avril afin de donner la possibilité aux parties prenantes de fournir des données complémentaires.

Le triphénylphosphate est utilisé comme retardateur de flamme et/ou plastifiant pour de nombreux usages : préparations pour polymères, adhésifs, produits d'étanchéité, textiles, matériaux de construction, équipements électroniques tels qu’ordinateurs, cosmétiques, produits de soins personnels. Cette substance figure également en tant qu’impureté dans de nombreux autres retardateurs de flamme organophosphorés. Elle est fréquemment retrouvée à l’intérieur des logements.

Le triphénylphosphate , un perturbateur endocrinien présent dans l’environnement

Dans le cadre de la Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, l’Anses a évalué le potentiel de perturbation endocrinienne du triphénylphosphate. Sur la base des données scientifiques disponibles, l’Agence a établi que cette substance remplit tous les critères de danger pour être définie comme perturbateur endocrinien selon la définition de l’OMS et les recommandations de 2013 du Centre de Recherche Commun (JRC) de la Commission européenne, à savoir :

  • Une activité endocrinienne et plus précisément une activité œstrogénique, androgénique et/ou stéroïdogène clairement démontrée à la fois in vitro et in vivo chez les poissons ;
  • Des effets néfastes altérant la fécondité et la capacité de reproduction des poissons ;
  • Un lien biologiquement plausible entre l’activité endocrinienne et les effets néfastes précités.

Le triphénylphosphate peut ainsi conduire à des effets sévères pour les poissons et potentiellement d’autres animaux, et altérer la survie d’espèces naturellement présentes dans l’environnement.

Les effets néfastes sur la reproduction des poissons ont été observés à des concentrations qui peuvent exister dans l'environnement. En outre, les données disponibles montrent que le triphénylphosphate est détecté dans les espèces sauvages mais aussi dans les fluides biologiques humains, combinés à d'autres produits organophosphorés contenus dans les retardateurs de flamme. Ces co-expositions constituent une préoccupation supplémentaire.

Les propriétés de perturbation endocrinienne du triphénylphosphate présentent un niveau de préoccupation suffisant pour l’identifier en tant que substance extrêmement préoccupante (SVHC) dans le cadre du règlement REACH.

Cette identification vise à mieux encadrer les utilisations de cette substance chimique dans l’Union européenne. Elle permet de reconnaitre du point de vue réglementaire cette propriété de danger, qui devra ainsi être prise en compte dans l’évaluation des risques réalisées par les industriels pour définir les conditions d’une utilisation sûre de la substance. De plus, cette reconnaissance réglementaire entraînerait l’obligation de notifier la présence de la substance au-delà de 0,1 % en pourcentage massique dans les articles fabriqués ou importés en Europe et d’indiquer sa présence aux utilisateurs d’articles qui en contiennent plus de 0.1%.

Par ailleurs, en France, depuis le 1er janvier 2023, la loi AGEC prévoit l'information des consommateurs sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets, et notamment la présence de substances dangereuses. Par conséquent, la mention " contient une substance extrêmement préoccupante " devra être appliquée sur les articles commercialisés contenant une SVHC.

Le dossier d’identification proposé par l’Anses est en consultation publique sur le site de l’ECHA, Agence européenne des produits chimiques, jusqu’au 15 avril.