Nouvelles expertises de l’Anses sur les SDHI dans les produits phytopharmaceutiques
05/12/2023
Expertise
5 min

Nouvelles expertises de l’Anses sur les SDHI dans les produits phytopharmaceutiques

L’Anses publie deux avis sur la sécurité des inhibiteurs de la succinate déshydrogénase, les SDHI. Ces substances actives rentrent dans la composition de produits phytopharmaceutiques utilisés contre les champignons nuisibles aux cultures. Après examen de l’ensemble des données disponibles, l’Agence recommande d’ajuster certaines valeurs toxicologiques de référence servant à protéger la santé humaine. Ces conclusions seront portées à l’échelle européenne. L’Anses a par ailleurs évalué les risques pour les consommateurs liés la présence de résidus des différents SDHI dans les aliments. Elle ne met pas en évidence de préoccupation sanitaire par ingestion cumulée de résidus dans les aliments au regard des valeurs toxicologiques ajustées.

Les substances de la famille des SDHI inhibent la succinate déshydrogénase, une enzyme qui se trouve dans la mitochondrie. Elles sont utilisées en agriculture comme fongicides. À ce jour, 11 substances SDHI sont approuvées au niveau européen pour des usages phytopharmaceutiques.

Dans la suite d’un signalement de scientifiques en 2019, qui avait déjà donné lieu à un avis ne concluant pas à une alerte sanitaire, l’Anses avait engagé à son initiative des expertises complémentaires :

  • sur la révision des valeurs de sécurité utilisées pour statuer sur les risques liés aux expositions
  • sur les expositions par ingestion aux résidus de SDHI

Elle en publie les résultats sous la forme de deux avis.

Des propositions d’évolution pour certaines valeurs toxicologiques de référence

L’Anses a réexaminé les valeurs toxicologiques de référence des SDHI à la lumière de l’ensemble des données disponibles, y compris les plus récentes. Elle a ainsi examiné 14 substances actives SDHI : 11 approuvées dans l’Union européenne, 2 ne l’étant plus, et 1 en cours d’évaluation, ce qui correspond à l’examen approfondi de 39 valeurs toxicologiques de référence (VTR).

Les VTR sont les doses de substances chimiques à ne pas dépasser pour préserver la santé humaine, pour une voie d’exposition donnée et une durée donnée (court, moyen ou long terme). Une attention spécifique a été portée à la prise en compte des modes d’action pouvant provoquer une toxicité mitochondriale.

Le collectif d’experts réuni par l’Anses a passé en revue les données publiées dans la littérature scientifique et celles des dossiers déposés le cadre de demandes d’approbation de produits phytopharmaceutiques à base de SDHI, rendus disponibles par l’Agence. Il est notable que la recherche bibliographique réalisée par les experts n’a pas mis en évidence de données épidémiologiques supplémentaires depuis l’expertise collective de l’INSERM « pesticides et santé » de 2021.

L’expertise menée par l’Anses ne remet pas en cause 28 VTR existantes. Suite à l’examen des données scientifiques disponibles, l’Agence propose d’ajuster à la baisse 11 des 39 VTR analysées, en diminuant modérément leur valeur actuelle d’un facteur de réduction allant de 1,5 à 3,3.

Ces propositions d’ajustement, qui vont dans le sens d’une plus grande protection, seront portées par l’Anses au niveau européen afin d’être prises en compte lors des réévaluations des substances actives concernées. Ces VTR sont utilisées pour évaluer les risques en considérant toutes les voies d’exposition des consommateurs, des riverains, des travailleurs et des opérateurs. Les méthodologies d’évaluation prennent en compte les effets sanitaires aigus et chroniques.

L’Agence formule par ailleurs plusieurs recommandations méthodologiques et de recherche pour poursuivre l’amélioration des connaissances concernant les modes d’action des SDHI et leurs conséquences sanitaires éventuelles. Certaines de ces recommandations seront portées à la connaissance de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économiques) et de l’EFSA pour contribuer à définir des stratégies de tests et des protocoles d’études à utiliser dans le cadre de l’évaluation des substances actives.

Exposition cumulée aux substances SDHI via l’alimentation

Dans son expertise de 2019, l’Anses avait conclu que le niveau des expositions chroniques alimentaires liées à chaque substance SDHI était faible, au regard des valeurs toxicologiques de référence de chaque substance active prise individuellement. Pour compléter cette analyse, l’Agence a évalué les risques liés à une exposition cumulée à l’ensemble des substances SDHI via l’alimentation.

L’évaluation se conforme aux méthodologies les plus récentes recommandées par l’EFSA et tient aussi compte des avancées scientifiques et techniques identifiées dans les études de cas publiées au niveau européen. Deux méthodes d’évaluation ont ainsi été appliquées, incluant à la fois des scénarios “pire cas” et les ajustements de VTR proposés par l’Anses.

Les résultats obtenus montrent que les seuils de sécurité pour la santé des consommateurs ne sont pas dépassés, y compris avec les VTR revues à la baisse par l’Anses, pour des expositions cumulées à l’ensemble des substances actives SDHI.

Des recherches en cours pour approfondir les effets des SDHI

Afin de poursuivre l’amélioration des connaissances sur les niveaux d’exposition des populations aux SDHI, l’Anses a d’ores et déjà intégré ces substances dans :

L’Agence finance également des études explorant les données du registre national du paragangliome héréditaire, maladie liée à une mutation de l’un des gènes codant pour la succinate déshydrogénase (SDH) chez l’être humain, pour tenter de déterminer si l’évolution de l’incidence de ce type de pathologie pourrait avoir un lien avec une exposition aux SDHI. Ces études viendront ainsi compléter les données épidémiologiques peu nombreuses disponibles pour ces substances.

Deux autres projets de recherche sont par ailleurs en cours, financés par le plan Ecophyto et le programme national de recherche environnement-santé-travail (PNREST) de l’Anses, afin d’approfondir les connaissances des effets des fongicides de la famille des SDHI au sein des cellules vivantes, par des approches toxicologiques et mécanistiques.