Régimes amaigrissants : entretien

L'arrivée de l'été est traditionnellement synonyme pour certains d'une recherche d'amincissement et de nombreux média font actuellement la promotion de divers régimes. Fin 2010, l'Anses publiait une expertise pointant le fait que les régimes amaigrissants pratiqués sans recommandation, ni suivi d'un spécialiste pouvaient présenter des risques pour la santé. Point sur la question avec Irène Margaritis, chef de l'unité d'évaluation de risques liés à la nutrition de l'Anses.

Le surpoids et l'obésité augmentent partout dans le monde, pourquoi un travail sur les risques liés aux régimes ?

Le surpoids et l'obésité constituent un véritable problème de santé publique qui nécessite la prise en charge par un professionnel de santé et peut justifier la mise en œuvre d'un régime alimentaire. Mais nous faisons face à un constat paradoxal. De plus en plus de personnes entreprennent seules une démarche de perte de poids en l'absence de toute indication médicale, pour des raisons essentiellement esthétiques. Internet permet en particulier un accès direct à divers régimes, facilitant le fait que certaines personnes s'engagent seules dans cette démarche.
L'étude INCA 2 (1) a montré que plus de 30 % des femmes ayant un poids "normal" et 15 % des femmes "minces", ont suivi un régime pendant l'enquête ou avaient suivi un régime l'année précédant l'enquête. Récemment l'étude Nutrinet a montré que près de deux femmes sur trois de poids normal font des régimes et 27 % des hommes de poids normal disent souhaiter maigrir. Cette quête de la minceur et le foisonnement de régimes qu'il est possible de suivre seul, sans avis médical ont poussé les pouvoirs publics à saisir l'Agence pour qu'elle évalue les risques liés à ce type de pratiques.

En quoi a consisté le travail de l'Anses ?

Notre travail d'expertise s'est intéressé aux conséquences des régimes en général. Pour être concrets, nous avons tenté d'identifier les plus diffusés auprès du public, dans le commerce et sur Internet. Quinze régimes ont été sélectionnés sur la base de leur popularité. Nous avons cherché à savoir si la pratique de ces régimes nécessitait de s'éloigner d'une alimentation équilibrée.
Nous avons calculé les apports nutritionnels pour chacun d'eux, et sur cette base nous avons examiné les données scientifiques disponibles pour déterminer les conséquences biologiques, qu'il s'agisse de déséquilibres nutritionnels ou d'apports insuffisants en vitamines et minéraux. Nous avons également recherché si ces régimes pouvaient avoir des conséquences pathologiques et psycho-comportementales.

La conclusion centrale de votre rapport de 2010 est que la pratique d'un régime amaigrissant expose à des risques, pourriez vous nous en dire plus ?

Notre principale conclusion est que choisir de se restreindre, parfois de façon drastique, pour perdre du poids n'est pas un acte anodin. L'expertise que nous avons menée le démontre scientifiquement. Notre travail met en évidence des effets néfastes, notamment pour les os, le cœur et les reins, ainsi que des perturbations psychologiques, notamment des troubles sévères du comportement alimentaire (anorexie, boulimie, ….). De plus, quand on perd du poids, on perd aussi du muscle, or le muscle produit de la chaleur, en en produisant moins on stocke plus… L'analyse des données scientifiques établit également que la pratique des régimes peut provoquer des modifications profondes du métabolisme énergétique. Ces modifications sont souvent à l'origine du cercle vicieux d'une reprise de poids, éventuellement plus sévère, à plus ou moins long terme. Ce qu'on appelle couramment l'effet yo-yo.
Ainsi, une des conséquences majeures et récurrentes des privations et exclusions pratiquées, quelque soit le régime, est, paradoxalement, la reprise de poids, voire le surpoids. Plus on fait de régimes, plus on favorise la reprise de poids.

Cela signifie-t-il qu'il ne faut jamais faire de régime ?

Certaines situations (obésité, surpoids, prise de poids importante) peuvent nécessiter de chercher à perdre du poids. Mais dans tous ces cas, un diagnostic précis des causes de la prise de poids est nécessaire. Cette démarche doit se faire avec l'accompagnement d'un professionnel de santé qui analysera le contexte de la prise de poids et ses conséquences. Seul cet accompagnement permettra de déterminer s'il est nécessaire ou non de perdre du poids et de définir les objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Cette démarche doit viser une réduction adaptée et prudente du poids, planifiée précocement (afin de pouvoir agir sur les facteurs à l'origine) puis une stabilisation avec des moyens appropriés, tout en veillant à préserver l'état de santé physique et psychologique à moyen et long terme.

Quelle recommandation peut-on faire aux personnes qui souhaitent perdre du poids ?

En l'absence d'excès de poids les régimes à visée amaigrissante sont des pratiques à risques. Aussi, en dehors des situations où une perte de poids se justifie médicalement, il est déconseillé d'entreprendre un régime, en particulier lorsqu'il est fait appel à des pratiques alimentaires déséquilibrées et peu diversifiées.
C'est simple, en termes de santé rien ne peut remplacer une alimentation équilibrée et diversifiée. La clé pour ne pas prendre ou re-prendre du poids est de veiller à ce que les apports énergétiques journaliers ne dépassent pas les besoins. En clair, éviter de manger si l'on n'a pas faim, et ne pas continuer à manger au cours d'un repas si l'on n'a plus faim. Pour cela il est important d'être à l'écoute des signaux de faim et de satiété. Enfin, pour réduire les risques de prise de poids, au même titre que l'on veille à ses habitudes alimentaires, il faut veiller à limiter sa sédentarité, privilégier les déplacement à pied ou en vélo, limiter les périodes trop statiques, et si ce n'est pas déjà le cas, avoir une activité physique plaisante pour qu'elle puisse être régulière.


(1) Les enquêtes INCA (Etude Individuelle nationale des consommations alimentaires) sont des études nationales réalisées réalisée tous les 6 ans par l'Anses. Elles consistent à recueillir les consommations alimentaires d'un échantillon d'habitants de France métropolitaine durant 7 jours, la deuxième étude INCA s'est déroulée en 2006-2007

Avis et rapports en lien avec l'article

Document PDF
Nutrition humaine
Date de mise en ligne
12/05/2011
Numéro de saisine
2009-SA-0099
Document PDF
Nutrition humaine
Date de mise en ligne
25/11/2010
Numéro de saisine
2009-SA-0099