Pesticides

Avis de l’Anses sur les substances phytopharmaceutiques considérées comme préoccupantes dans le rapport de la mission sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques de décembre 2017

Dans le cadre du plan d’action national visant à réduire le recours aux substances phytopharmaceutiques, l’Anses publie son expertise relative aux substances qui devraient faire l’objet d’une attention particulière au regard de leur niveau de danger et des données de phytopharmacovigilance. Elle recommande la réévaluation prioritaire de certaines substances actives au niveau européen et engage, sans attendre, la réévaluation de produits sur le marché en s’appuyant sur les référentiels européens les plus récents.

En décembre 2017, dans le cadre du plan gouvernemental pour une agriculture moins dépendante aux pesticides, une mission d’inspection CGAAER-CGEDD-IGAS a établi une liste de substances actives à usage phytopharmaceutique parmi les plus fréquemment détectées ou mentionnées dans les rapports de surveillance, qu’elle a qualifiées de préoccupantes.

En partant des conclusions de cette mission et en tenant compte de l’interdiction de certaines substances et du retrait de certains produits intervenus depuis lors, l’Anses a réalisé une expertise relative aux substances devant faire l’objet d’une attention particulière. Elle recommande que l’approbation de certaines substances ne soit pas renouvelée ou fasse l’objet d’une évaluation prioritaire au niveau européen, et elle engage par ailleurs une nouvelle évaluation des risques pour certains produits autorisés, ainsi que l’évaluation d’une substance au regard de ses propriétés potentielles de perturbateur endocrinien, sans attendre le renouvellement de l’approbation des substances actives qu’ils contiennent.

Une approche qui capitalise sur l’ensemble des réglementations et données disponibles

L’Anses rappelle que l’ensemble des substances actives et des produits phytopharmaceutiques autorisés font l’objet, avant leur première mise sur le marché puis à chaque renouvellement, d’une évaluation des risques strictement encadrée et harmonisée au niveau européen.

Dans son expertise, l’Agence a identifié des substances actuellement approuvées mais présentant des critères d’exclusion au regard du règlement européen 1107/2009, car l’ECHA a récemment statué qu’elles étaient cancérigènes ou reprotoxiques de catégorie 1. Remplir les critères d’exclusion implique de facto que l’approbation de ces substances ne sera pas renouvelée sauf si les mesures dérogatoires strictes et encadrées par le règlement peuvent être justifiées. L’Anses a également pris en compte les propriétés potentielles de perturbation endocrinienne que pourraient présenter certaines substances et qui ont été évoquées dans une étude d’impact de la Commission Européenne.

Enfin, l’Anses  a tenu compte des demandes de renouvellement et des procédures de réévaluation des substances actives et des produits phytopharmaceutiques aujourd’hui en cours.

Au plan scientifique, l’Agence s’est appuyée sur :

  • les évaluations scientifiques disponibles sur les substances ;
  • le calcul d’indicateurs de risque pour la sécurité au travail, la sécurité des consommateurs, les organismes non cibles et les eaux souterraines ;
  • les données du dispositif français de phytopharmacovigilance coordonné par l’Anses, qui permet de surveiller et d’alerter sur les niveaux de contamination et les effets sanitaires observés en vie réelle.

Les recommandations de l’Anses

Sur la base de ces travaux, l’Anses appelle de ses vœux une décision rapide de la Commission Européenne, qui a déjà décidé de ne pas renouveler le chlorpyrifos-éthyl et le chlorpyrifos-méthyl, sur le non renouvellement de l’approbation de deux autres substances actives :

  • le mancozèbe, considéré comme toxique pour la reproduction de catégorie 1B par l’ECHA ;
  • le thiophanate-méthyl, actuellement la seule substance active classée mutagène de catégorie 2 contenue dans des produits autorisés en France.

Sans attendre que l’approbation européenne des substances actives soit réexaminée, l’ANSES s’engage par ailleurs sur la période 2020-2021 :

  • à réévaluer les risques des produits à base des substances suivantes, en vue d’une modification éventuelle des autorisations de mise sur le marché en vigueur :
    • 8-hydroxyquinoline, ipconazole, flurochloridone, spirodiclofène, halosulfuron-méthyl, substances venant d’être classées cancérigènes ou reprotoxiques de catégorie 1B par l’ECHA.  Compte tenu de leur niveau de danger, l’Anses estime nécessaire d’actualiser rapidement l’évaluation des risques pour renforcer la protection des opérateurs, travailleurs, personnes présentes et les résidents;
    • le prosulfocarbe, pour lequel des traitements autorisés sur certaines cultures ont provoqué des contaminations de cultures non ciblées situées à proximité, ce qui avait d’ores et déjà conduit à des modifications des conditions d’utilisation. Compte tenu ces constats, l’évaluation des risques des produits contenant cette substance pour les personnes présentes et les résidents va être actualisée.
  • à évaluer les effets perturbateurs endocriniens du prochloraz, sur la base du document guide européen applicable depuis 2018 pour évaluer le caractère de perturbateur endocrinien des substances phytopharmaceutiques. Cette évaluation sera réalisée sans attendre qu’un dossier de demande de renouvellement de la substance soit éventuellement soumis.