Escherichia Coli
12/07/2011 4 min

Infection à E. Coli et consommation de graines germées : l'Anses fait un point sur l'état des connaissances et émet des recommandations pour la poursuite des études à mener

À partir du 22 juin 2011, des cas de diarrhées hémorragiques et de syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) se sont déclarés chez des adultes, majoritairement des femmes, dans la région de Bordeaux. Ces personnes ont été infectées par une souche d'Escherichia coli appartenant au sérotype O104:H4, une bactérie génétiquement reliée à celle responsable de l'épidémie déclarée en Allemagne en mai 2011. L'investigation épidémiologique menée en France a permis d'identifier très rapidement la source de cette contamination : la consommation de graines germées (fenugrec notamment) à l'occasion d'une kermesse début juin.

La proximité des épisodes en Allemagne puis en France, et leurs points communs (même souche de bactérie, jusqu'à présent très rarement apparue dans des cas d'intoxication, même origine suspectée de graines germées) conduisent à s'interroger sur l'existence d'une source commune de contamination. Une enquête de traçabilité, coordonnée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a mis en évidence un lien avec la consommation de graines importées d'Égypte (rapport publié le 5 juillet 2011) (1).

La Commission européenne a pris la décision, le 5 juillet 2011, de retirer du marché, puis analyser et détruire l'ensemble des lots de graines de fenugrec importées en Europe entre 2009 et 2011 par un exportateur égyptien. Cette décision prévoit également de suspendre jusqu'au 31 octobre 2011 les importations de graines et de fèves égyptiennes destinées à la germination (2).

Dans ce contexte, l'Anses s'est autosaisie pour faire un point sur l'état des connaissances liées à l'épisode bordelais et ses points communs avec l'épisode allemand. Pour ce faire, l'Agence a mis en place un groupe de travail réunissant des experts issus de ses laboratoires ainsi que du laboratoire national de référence (Vet-AgroSup, Lyon), du centre national de référence (Institut Pasteur, Paris) et de son laboratoire associé (CHU Robert Debré, Paris), de l'institut de veille sanitaire (InVS), de l'INRA (Avignon et Angers) et du Geves (Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences) ainsi que de l'unité INSERM1043 de l'Ecole vétérinaire de Toulouse.

L'avis publié aujourd'hui fait état des principaux éléments disponibles concernant la bactérie pathogène impliquée, sa détection dans les graines et les données épidémiologiques la concernant. Il dresse le bilan de l'épidémie en cours et souligne les étapes clés à prendre en compte dans le procédé de fabrication des graines germées et les sources possibles de contamination aux différentes étapes du procédé de production.

À ce stade, la bactérie mise en évidence chez les malades (Escherichia coli O104:H4) n'a pu être détectée dans les graines elles-mêmes. La mise en évidence de la bactérie pathogène dans les graines est en effet particulièrement difficile car il s'agit de substrats secs, ce qui a pour conséquence de mettre ces bactéries dans un état stressé, peu propice à leur revivification et à leur multiplication et donc à leur identification. Par ailleurs, une très faible quantité de cette bactérie peut suffire à déclencher l'infection. Aussi, l'absence de détection de la bactérie pathogène dans les échantillons analysés ne signifie pas pour autant la non-contamination des lots de graines.

L'Anses recommande donc de poursuivre la recherche de la bactérie dans les graines en mettant en œuvre différents protocoles de détection identifiés au travers des expériences des différents laboratoires impliqués, en France et en Europe, et de rassembler au niveau européen suffisamment de lots de graines potentiellement contaminés pour permettre la poursuite de ces tests.

L'Anses identifie par ailleurs la nécessité de mieux cerner les caractéristiques de la souche O104:H4 impliquée, en particulier, les capacités de survie de la bactérie dans les semences, ainsi que ses capacités d'adhésion sur des surfaces (selon l'environnement et la nature du matériau à considérer).

L'Anses recommande également de mieux évaluer les pratiques de germination en conditions industrielles:

  • évaluer l'impact des procédés de germination mis en œuvre, et notamment l'effet de la température, sur la survie et multiplication des Escherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC) pathogènes ;
  • évaluer l'efficacité des mesures de nettoyage et désinfection appliquées sur les surfaces et sur les matières premières, vis-à-vis de ces souches, au regard des éléments soulignés dans l'avis ;
  • développer les méthodes de détection de STEC pathogènes présentes dans les graines, ou durant le procédé de germination pour optimiser le contrôle des lots.

Enfin, concernant la consommation des graines germées, l'Anses rappelle les recommandations émises par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et les autorités françaises, à savoir de ne pas consommer de graines germées crues (les cuire à haute température, c'est-à-dire à 70°C pendant deux minutes). Il est par ailleurs conseillé aux consommateurs de ne pas cultiver de germes pour leur propre consommation. Ces recommandations pourront être revues à la sortie de l'épisode épidémique (soit environ 30 jours après la survenue du dernier cas), à la lumière des connaissances acquises.


(1) European Food Safety Authority; Tracing seeds, in particular fenugreek (Trigonella foenum-graecum) seeds, in relation to the Shiga toxin-producing E. coli (STEC) O104:H4 2011 Outbreaks in Germany and France. Question No EFSA-Q-2011-00817, issued on 05 July 2011. efsa.europa.eu/en/supporting/pub/176e.htm, consulté le 5 juillet 2011.
(2) europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/11/831&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en, consulté le 5 juillet 2011