Nappes Eau
21/06/2016 4 min

La recharge artificielle des nappes d’eaux envisageable sous certaines conditions

En France, plus de 95 % des captages pour la production d’eaux destinées à la consommation humaine exploitent des eaux souterraines. Avec les effets du changement climatique, des aléas météorologiques plus marqués et plus fréquents, sécheresses ou épisodes pluvieux intenses, vont impacter les ressources en eau. Cette évolution fait redouter un accroissement des secteurs déficitaires et des durées de pénurie d’eau. Localement et/ou ponctuellement, des déficits de recharge naturelle peuvent déjà être observés, conduisant le plus souvent à des recommandations de gestion de la ressource encourageant les économies d’eau. La recharge artificielle de nappes d’eau souterraines pourrait constituer une des solutions permettant de gérer durablement ces ressources et d’atteindre les objectifs de bon état quantitatif et qualitatif des eaux souterraines, tels que définis dans la directive européenne 2000/60 CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, dite directive cadre sur l’eau. Dans ce contexte, l’Agence s’est autosaisie afin d’étudier les risques sanitaires liés à la recharge artificielle de nappes. Dans l’avis publié ce jour, elle estime que la recharge artificielle de nappes à partir d’eaux de surface ou d’eaux usées traitées est l’une des solutions qui pourrait être déployée, sous certaines conditions, pour lutter contre la diminution des ressources en eaux souterraines. Elle souligne l’importance de préserver, à long terme, la qualité des ressources en eaux, en particulier pour garantir une qualité compatible avec la production d’eau destinée à la consommation humaine.

Les projections d’évolution des ressources en eaux, en lien avec le changement climatique, font craindre une diminution probable des ressources en eaux souterraines en France, due à des baisses locales de la recharge naturelle des nappes souterraines. Par conséquent, des mesures de préservation des ressources doivent être prises. La recharge artificielle de nappes pourrait être envisagée comme un moyen de gérer durablement ces ressources. Les eaux de surface (en particulier les cours d’eaux) pourraient être utilisées pour la réalimentation artificielle des nappes d’eaux souterraines. L’utilisation d’eaux usées traitées, sous réserve d’une évolution de la réglementation (qui n’autorise pas à ce jour leur utilisation dans ce cadre), pourrait également être envisagée.

Cette pratique est particulièrement développée dans les pays connaissant un fort stress hydrique. En France métropolitaine, elle peut être utilisée ponctuellement, dans un objectif quantitatif d’accroissement saisonnier des ressources utilisées pour la production d’eau destinée à la consommation humaine ou pour l’irrigation des cultures ou dans un objectif qualitatif de préservation de ces ressources contre des pollutions ou l’intrusion saline.

Avant d’envisager le développement de cette pratique, il est essentiel d’identifier les dangers et les risques sanitaires pouvant en résulter. En effet, les eaux dont l’utilisation pourrait être envisagée sont susceptibles de véhiculer divers types de contaminants microbiologiques et chimiques. C’est pourquoi, l’Anses s’est autosaisie, dans le cadre en particulier du Plan national d’adaptation au changement climatique, pour formuler des recommandations afin de maîtriser les risques sanitaires liés à la recharge artificielle de nappes, en s’appuyant notamment sur les expériences de recharge artificielle réalisées en France et à l’étranger.

Les recommandations de l’Agence

Au vu des données actuellement disponibles sur les dangers pour la santé liés à la recharge artificielle des nappes à partir d’eaux de surface et d’eaux usées traitées, l’Anses considère que cette pratique pourrait être déployée pour lutter contre la diminution des ressources en eaux souterraines, sous certaines conditions :

  • la recharge artificielle de nappe ne doit pas dégrader la qualité de l’eau de la nappe d’eau souterraine, ni imposer, après prélèvement, de traitements des eaux supplémentaires pour un même usage par rapport à une ressource non rechargée ;
  • toutes les eaux souterraines rechargées doivent être compatibles avec leur utilisation, actuelle ou future, pour la production d’eaux destinées à la consommation humaine, afin de ne pas hypothéquer ces ressources pour l’avenir ;
  • la qualité de l’eau de recharge doit être meilleure ou au moins équivalente à la qualité de l’eau de la nappe.

Par ailleurs, le système de recharge artificielle de nappes mis en place doit pouvoir être utilisé de façon durable, nécessitant notamment une bonne gestion du site de recharge, une surveillance des contaminants potentiellement présents, etc.

L’Agence rappelle que la recharge artificielle de nappes ne doit pas compromettre l’atteinte des objectifs environnementaux définis à partir de la directive cadre sur l’eau pour la masse d’eau souterraine. Elle souligne également l’importance de préserver à long terme la qualité des ressources en eaux souterraines, en particulier pour garantir une qualité compatible avec la production d’eaux destinées à la consommation humaine, sans avoir à recourir à des traitements supplémentaires à la charge des collectivités et des consommateurs.

En outre, les projets de recharge artificielle de nappes doivent reposer sur un besoin spécifique lié à la ressource en eau ciblée (manque ponctuel, équilibre entre la demande et la ressource disponible).

Enfin, l’Anses recommande d’améliorer la connaissance des sites français de recharge artificielle de nappes d’eau souterraine, d’une part pour s’assurer du maintien de la qualité des eaux souterraines rechargées, et d’autre part pour approfondir l’identification des dangers pour l’Homme.