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Identifier plus rapidement les bactéries productrices de toxines
04/12/2023
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Identifier plus rapidement les bactéries productrices de toxines

Améliorer l’identification des bactéries productrices de toxines est un vrai défi pour comprendre les épisodes d’intoxications alimentaires. Dans le cadre du Programme conjoint européen « One Health » coordonné par l’Anses, l’agence a coordonné un projet collaboratif européen sur les bactéries productrices de toxines qui provoquent le plus de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC).

Staphylococcus aureus, Bacillus cereus et Clostridium perfringens étaient au cœur du projet européen TOX-Detect. Ce trio n’a pas été choisi au hasard : il s’agit des bactéries productrices de toxines les plus fréquemment impliquées dans les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC). Selon le rapport de l'Union européenne sur les zoonoses One Health 2021 publié par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) les toxines bactériennes sont la deuxième cause de TIAC après les bactéries elles-mêmes (17 %). Le projet, coordonné par l’Anses, a débuté en 2018 pour une durée de 3 ans. Il a été financé par le programme One Health EJP et a impliqué l’Institut Pasteur, l’Inrae ainsi que différents partenaires de plusieurs pays européens.

 « Selon les souches bactériennes, l’expression des facteurs de virulence n’est pas la même. Ces facteurs de virulence sont par exemple la présence de protéines d’adhésion ou la production de toxines, dans l’aliment ou dans l’organisme. Ils servent aux bactéries à contrer les défenses que l’hôte pourrait leur opposer, explique Yacine Nia, co-coordinateur du projet et chef d’unité adjoint de l’unité Staphylococcus, Bacillus, Clostridium (SBCL), du laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses. La capacité de la bactérie à nuire à l’organisme sera plus ou moins élevée en fonction de ces facteurs de virulence. »

La plupart des intoxications provoquées par les toxines des trois bactéries étudiées engendrent des symptômes de type gastro-intestinaux (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées). Des décès peuvent survenir, notamment chez les sujets les plus sensibles.

Une méthode rapide d’identification de l’espèce bactérienne

L‘un des objectifs principaux du projet était d’améliorer les méthodes d’identification de ces souches bactériennes productrices de toxines. « Pour les staphylocoques, les critères et les méthodes d’identification sont déjà bien définis car cette bactérie est incluse dans le règlement européen sur les critères microbiologiques applicables aux denrées alimentaires, explique Jacques-Antoine Hennekinne, chef de l’unité SBCL et co-coordinateur du projet. En revanche ce n’est pas le cas pour Bacillus et pour Clostridium. Nous voulions donc combler ce manque en proposant une méthode d’identification rapide et fiable. »

Les scientifiques ont choisi de travailler sur la technique d’identification MALDI-TOF (Matrix Assisted Laser Desorption Ionization - Time of Flight). « Cette méthode est extrêmement rapide car elle produit un résultat en 80 secondes, explique le scientifique. Il y a aussi beaucoup moins de déchets qu’avec l’identification par la méthode microbiologique conventionnelle ou la biologie moléculaire : elle nécessite notamment moins de milieux de culture ou de plastique jetable. » 

Reconnaître les bactéries grâce à la masse de leurs protéines

La technique MALDI-TOF consiste à bombarder une colonie de bactéries avec un rayon laser. Les protéines à la surface de la bactérie vont se détacher et « voler » jusqu’à un détecteur. Plus les protéines sont légères, plus elles volent rapidement et loin. On obtient ainsi une signature propre à la bactérie. « Les protéines à la surface des bactéries sont différentes selon les souches et les conditions de culture, explique Jacques-Antoine Hennekinne. Pour identifier la bactérie, il faut comparer sa signature avec les profils présents dans une base de données appelée spectrothèque. Il est donc important que cette base de données soit parfaitement représentative de l’espèce ciblée. »

Une spectrothèque adaptée aux bactéries isolées d’aliments, d’animaux ou dans l’environnement

La technique MALDI-TOF a d’abord été utilisée dans les hôpitaux compte tenu de sa rapidité. De ce fait, la plupart des souches répertoriées dans les spectrothèques fournies par les fabricants de ce type d’instrument sont des souches retrouvées dans le milieu hospitalier. Ces bases de données sont moins adaptées pour les souches isolées d’aliments, chez les animaux ou dans l’environnement. Le cœur du projet TOX-Detect a donc été d’enrichir ces spectrothèques. Après avoir constitué leurs propres bases de données pour chaque bactérie à l’aide de souches de référence, les scientifiques les ont testées sur une centaine de souches provenant d’aliments, de l’environnement et de personnes malades : « Nous avons pu obtenir de meilleurs résultats qu’avec les bases de données fournies par le fabricant. C’est particulièrement flagrant pour Bacillus : en se basant sur la spectrothèque du fabricant, nous arrivions à identifier 50 % des souches testées. Avec celle que nous avons constituée, le taux d’identification est supérieur à 90 %. »

Les essais ont été reproduits dans plusieurs laboratoires à travers l’Europe pour vérifier que la méthode était transférable. En effet, le milieu de culture et la méthode de prélèvement modifiant les protéines à la surface des bactéries, il était important de s’assurer que tous les laboratoires d’analyse suivent le même protocole standardisé. Il sera ainsi possible d’identifier rapidement une souche présente dans un atelier de transformation des aliments, afin de savoir par exemple si elle est résistante à certains produits de désinfection ou si elle représente un risque pour les consommateurs.