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Santé des abeilles

Santé des abeilles : de nouvelles données grâce au projet PoshBee

Le projet européen PoshBee avait pour objectif de mieux comprendre les causes du déclin des insectes pollinisateurs et notamment l’impact des produits phytopharmaceutiques. À l’occasion de la rencontre scientifique sur les abeilles, organisée par l’Anses le 7 décembre 2023, l’Agence fait le point sur les apports de ce projet concernant les menaces actuelles et futures qui pèsent sur ces insectes.

Avec plus de 40 partenaires de 14 pays européens, dont l’Anses, le projet PoshBee visait à mieux cerner les menaces qui pèsent sur trois espèces d’abeilles pollinisatrices utilisées comme sentinelles : l’abeille mellifère, une espèce sociale formant de grandes colonies, le bourdon terrestre qui est une espèce sociale formant de petites colonies et l’osmie rousse, une abeille solitaire. Financé par le programme européen Horizon 2020, PoshBee a débuté en 2018 et s’est terminé en 2023. L’Anses a coordonné le volet sur la mesure de l'exposition aux produits chimiques, aux agents pathogènes et aux problèmes de nutrition.

Rendre les données exploitables grâce à des indices d’exposition

La multitude de données peut représenter une difficulté pour étudier les facteurs impactant la santé des abeilles et des autres pollinisateurs : « Les analyses à haut débit de détection et de quantification des pathogènes permettent de collecter un grand nombre de données, explique Marie-Pierre Chauzat, cheffe de projet surveillance abeilles au sein du laboratoire de santé animale de l’Anses et pilote d’un groupe de travail mutipartenarial au sein de Poshbee. Mais nous n’avons pas forcément les outils statistiques pour les exploiter. » Les scientifiques au sein du projet PoshBee ont développé des indices permettant de synthétiser l’exposition des insectes aux pathogènes. « Il s’agit d’une sorte de boite à outils détaillant trois indices différents, à utiliser selon le type de données et l’objectif de l’étude » précise Éric Dubois, chargé de projet en virologie, à l’unité de pathologie de l'abeille du laboratoire de Sophia Antipolis de l’Anses.

Chercher des corrélations entre la présence de pathogènes et des facteurs environnementaux

Dans le cadre de PoshBee, ces indices ont, par exemple, servi à étudier les facteurs influençant la présence de pathogènes chez les abeilles pollinisatrices. L’étude a été réalisée sur 128 sites distribués dans 8 pays différents. Le calcul des indices a permis de regrouper les sites qui avaient un profil semblable, selon l’abondance et le type de pathogènes présents. « Nous voulions savoir s’il y avait des corrélations entre la répartition des pathogènes et des facteurs comme le type de culture, l’utilisation de pesticides, l’interaction entre pathogènes ou la zone biogéographique. », indique Aurélie Babin, chargée de projet à l’unité pathologie de l'abeille du laboratoire de Sophia Antipolis. Ces travaux n’ont pas encore été publiés, il n’est pour le moment pas possible de détailler les résultats. « Néanmoins, nous pouvons déjà souligner que les pathogènes les plus virulents ne sont pas les plus intéressants pour étudier l’effet des modifications de l’environnement, explique Éric Dubois. Au contraire, ce sont les pathogènes couramment présents mais habituellement de façon latente qui sont les meilleurs indicateurs : exposées à certains stress nouveaux, comme des produits phytopharmaceutiques, les abeilles vont développer des formes cliniques de maladies provoquées par des pathogènes qu’elles toléraient bien jusque-là, en tout cas sans présenter de symptômes. »

Identifier les menaces futures pour les pollinisateurs

Une autre étude PoshBee à laquelle a participé l’Anses s’est attelée à faire un tour d’horizon des risques pour les abeilles mellifères, bourdons et osmies, mais aussi des opportunités pour y faire face dans les cinq à dix prochaines années en Europe. « Cette étude a réuni 20 experts de différents pays européens. Elle pourra servir de base pour de nouveaux programmes de recherche ou pour élaborer des mesures de protection au niveau national et européen, voire sur d’autres continents. » détaille Marie-Pierre Chauzat.

L’une des principales menaces identifiées est l’augmentation des nouveaux prédateurs et pathogènes. Par exemple, le frelon Vespa mandarinia, originaire d’Asie et qui a été détecté récemment aux États-Unis, pourrait s’implanter en Europe. Dans le même temps, d’autres espèces exotiques qui s’attaquent aux pollinisateurs autochtones et sont déjà présentes dans certains pays européens, comme le frelon Vespa velutina ou le petit coléoptère des ruches (Aethina tumida), élargiront probablement leurs aires de répartition. Les évènements météorologiques extrêmes peuvent également nuire aux polinisateurs : vagues de chaleur, précipitations instances ou forts coups de gel.

Des incertitudes sur l’impact de certains évènements sur la santé des abeilles

D’autres évolutions pourraient selon les cas menacer ou améliorer la santé des pollinisateurs. Par exemple, le développement de pesticides issus des nanotechnologies pourrait permettre d’utiliser moins de produits chimiques mais leurs effets sur la santé des pollinisateurs sont encore mal connus.

Le contexte géopolitique peut également conduire à des modifications des pratiques agricoles qui peuvent affecter les abeilles. Par exemple, l’Union européenne a autorisé la culture des terres en jachères pour compenser la diminution des échanges de produits agricoles due au conflit en Ukraine. Les jachères constituent habituellement une source de nourriture pour les pollinisateurs. Cependant, les cultures à fleurs, comme les tournesols ou les trèfles, peuvent compenser en partie la perte des jachères.  

L’innovation au service des abeilles

Enfin, certains développements à venir pourraient favoriser les pollinisateurs ou atténuer les menaces qui pèsent sur eux. Il s’agit notamment d’avancées technologiques visant à surveiller plus finement et à distance la santé des abeilles. Le renforcement des études sur la toxicité des co-formulants entrant dans la composition des produits phytopharmaceutiques leur serait aussi bénéfique, de même que la sélection d’abeilles mellifères résistantes à l’acarien parasite varroa.

D’autres études issues du projet PoshBee devraient être publiées dans les prochains mois et compléter les connaissances sur les facteurs impactant la santé des abeilles mellifères et sauvages.

 

En savoir plus

M. Huyen Ton Nu Nguyet, S. Bougeard, A. Babin, E. Dubois, C. Druesne, M.P. Rivière, M. Laurent, M.P. Chauzat, Building composite indices in the age of big data – Application to honey bee exposure to infectious and parasitic agents, Heliyon, Volume 9, Issue 4, 2023, doi.org/10.1016/j.heliyon.2023.e15244.

Willcox, B.K., Potts, S.G., Brown, M.J.F. et al. Emerging threats and opportunities to managed bee species in European agricultural systems: a horizon scan. Sci Rep 13, 18099 (2023). doi.org/10.1038/s41598-023-45279-w

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